Comment Rabat reverdit

Malgré une sécheresse struc­tu­relle, la capi­tale du Maroc voit ses espaces verts se développer à vue d’œil. Cette mue spec­ta­cu­laire a été ren­due pos­sible grâce à une action poli­tique tournée vers la réutilisation des eaux usées, la lutte contre le gas­pillage et la mise à pro­fit des dernières innovations.

Qui n’est pas venu à Rabat depuis un cer­tain temps ne la reconnaîtrait cer­tai­ne­ment pas. Rabat, capi­tale jusqu’alors silen­cieuse du Maroc, s’affirme depuis une dizaine d’années comme une ville en pleine métamorphose. On y dis­tingue encore ses lignes, ses grands bou­le­vards, ses éléments de patri­moine qui témoignent des vagues suc­ces­sives de son développement, et pour­tant ses espaces publics, ses inter­stices, ses « creux » – pour cer­tains délaissés et sans usage – sont le théâtre d’une véritable révolution verte. Le « vert » semble omniprésent. Le grand pay­sage a repris de la cou­leur. La notion de ville-jar­din fait ici sens, sup­plan­tant la domi­nante de brun, syno­nyme de sur­faces de pleine terre laissées à elles-mêmes, au gré de pluies qui se font de plus en plus rares. Aujourd’hui, Rabat dis­pose de plus de 900 hec­tares d’espaces verts. Un chiffre qui peut don­ner le tour­nis dans un pays qui a dépassé depuis un cer­tain temps le stade du stress hydrique.

« Le Maroc est en pénurie d’eau chro­nique, assure Phi­lippe Alléau, consul­tant au Maroc sur le trip­tyque Eau‑Énergie-Climat. La sécheresse est struc­tu­relle depuis 2016. Cer­tains bar­rages sont à moins de 10 % de rem­plis­sage. Ils sont épuisés dès l’hiver, avec des niveaux très bas. Les eaux sou­ter­raines sont surexploitées pour l’agriculture qui ne cesse de s’accroître. Ces dernières années, des cou­pures d’eau et réductions de débit ont eu lieu dans des grandes villes comme Casa­blan­ca, Aga­dir, Mar­ra­kech. Très clai­re­ment, ce qui a sauvé Aga­dir est l’aménagement d’une grande usine de des­sa­le­ment qui ali­mente à plus de 95 % la ville. »

Les métropoles maro­caines ago­nisent par manque d’eau. Pour cer­taines, cela est dû à l’accueil de nou­velles popu­la­tions et à un développement économique expan­sif qui induit un effet de forte crois­sance périphérique (10 hec­tares de ter­rains artificialisés par jour à Casa­blan­ca). Pour d’autres, elles se retrouvent vic­times d’un tou­risme ali­menté par de tou­jours plus grandes struc­tures hôtelières et récréatives (Mar­ra­kech, Aga­dir) ou une agri­cul­ture inten­sive (Ouj­da), dont les usages et cultures sont lar­ge­ment consom­ma­teurs d’eau. Cela touche également les petites villes en situa­tion de rura­lité, où les « sek­kayates » – fon­taines et bornes publiques, au cœur du réseau d’alimentation en eau – sont, elles aus­si, à sec (un quart a cessé de fonc­tion­ner, selon le ministère de l’Équipement et de l’Eau). La sécheresse touche la vie quo­ti­dienne, modi­fie les pay­sages, bou­le­verse les équilibres économiques du pays. Les pro­jec­tions n’en sont pas plus réjouissantes, elle devrait aug­men­ter pro­gres­si­ve­ment au Maroc, jusqu’en 2050, sous l’effet d’une baisse de la pluviométrie (- 11 %) et d’une aug­men­ta­tion des températures (+ 1,3 °C), qui entraînera inévitablement une dimi­nu­tion de la dis­po­ni­bi­lité en eau d’irrigation de plus de 25 % (déjà consom­ma­trice de 80 % de l’eau actuelle). Le constat est posé. Glo­bal. Irréfutable.

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Elias Sou­gra­ti 

Le Grand Théâtre de Rabat ©Elias Sougrati

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