Et au milieu du béton coulent deux rivières

Le Val‑d’Oise voit renaître ses cours d’eau qui avaient été enfouis pour être mieux contrôlés. Par­mi eux, le Petit Rosne et le Croult se dévoilent depuis une ving­taine d’années, par petites touches. Une action qui contri­bue à réparer le ter­ri­toire, mor­celé par un urba­nisme négligent.

La vie des petites rivières fran­ci­liennes n’est pas un long fleuve tran­quille. À la fin du XIXe siècle, ate­liers et petites indus­tries viennent s’implanter le long des cours d’eau et les souillent. Le Petit Rosne et le Croult, deux rivières du Val‑d’Oise, d’environ 22 et 12 km hors affluents, deviennent des cloaques nauséabonds. Pour sous­traire à la vue ces nui­sances, elles seront en par­tie enterrées dans des cana­li­sa­tions. D’autres tronçons de rivières sont, eux, enserrés dans un cor­set de béton pour conte­nir les débordements, et pou­voir construire davan­tage, jusqu’au pied de l’eau, voire au-des­sus. Le développement urbain s’accélère : aux quar­tiers pavillon­naires et de grands ensembles, aux zones indus­trielles et com­mer­ciales s’ajoutent des infra­struc­tures autoroutières et fer­ro­viaires, sans comp­ter les aéroports du Bour­get et de Rois­sy-Charles-de-Gaulle, qui hachent le sol et le pay­sage. Oubliés les méandres natu­rels du Croult et du Petit Rosne: les ingénieurs tracent une ligne droite pour que l’eau s’écoule à gros débit dans des dalots de béton armé, ces énormes tuyaux qui favo­risent le flux. Les années passent, et les cours d’eau sont en grande par­tie cou­verts ou enterrés. Si utiles à la Plaine de France, gre­nier de l’Ile-de-France, ils dis­pa­raissent du champ visuel. Les habi­tants finissent par oublier leur exis­tence. Pour­tant, même en par­tie caché, le Petit Rosne conti­nue à prendre sa source en forêt de Mont­mo­ren­cy, puis pour­suit son cours à Ézanville et Sar­celles. Plus à l’est, le Croult démarre sa course au Trou du Diable à Gous­sain­ville, puis rejoint Le Thil­lay et Gonesse.

Le choc de l’inondation de 1992, à Sarcelles

Si les deux cours d’eau se rap­pellent régulièrement aux habi­tants de Sar­celles par quelques débordements, aucune inon­da­tion n’atteint l’ampleur de celle du 22 mai 1992: l’eau ruis­selle de haut en bas du quar­tier de Sar­celles vil­lage. Place du marché, habi­tants et commerçants sur­nagent dans 1,5 m d’eau – il fau­dra trois semaines pour qu’elle s’évacue, tant le sec­teur est arti­fi­cia­lisé. « C’est un cata­clysme psy­cho­lo­gique », résume Éric Cha­nal, le direc­teur du SIAH, le syn­di­cat mixte pour l’aménagement hydrau­lique des vallées du Croult et du Petit Rosne, qui couvre aujourd’hui 35 com­munes, bien plus que lors du lan­ce­ment de son pre­mier plan d’action après la Seconde Guerre mon­diale. Doté de la compétence Gema­pi (ges­tion des milieux aqua­tiques et prévention des inon­da­tions), il gère désormais 1,7 mil­lion de m3 de rete­nues d’eau, réparties sur une tren­taine de bas­sins, réalisés à par­tir des années 1970. Des bas­sins qui ne suf­fisent pas à éviter l’inondation de 1992: trois autres seront construits en amont de Sar­celles en 2003. Mais sur­tout, l’opération du SIAH prévoit aus­si – et c’est un point de bas­cule – la rena­tu­ra­tion du Petit Rosne. En 2003, puis en 2014, des ouver­tures sont percées en cœur de ville, et les berges sont élargies et végétalisées. La rivière retrouve un lit natu­rel. Le dis­po­si­tif fonc­tionne : lors du der- nier épisode d’inondation, en mai 2020, l’eau ne déborde que pen­dant une ving­taine de minutes avant de retour­ner dans son lit, confirme Joël Le Cal­vez, président de l’Assars, l’association sar­cel­loise de sau­ve­garde et d’aménagement des rivières et des sites, constituée juste après le choc de 1992.

 

Lire la suite de cet article dans le numé­ro 431

Lucie Roma­no 

La zone humide du Vignots à Gonesse ©SIAH

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus