Bien qu’essentielle, la question de l’eau en tant que moteur d’attractivité des villes a souvent été éludée au profit d’autres enjeux plus visibles et plus politiques. L’exemple de Los Angeles illustre ce paradoxe.
Tout au long de l’histoire, l’eau a représenté un enjeu majeur pour la politique d’attractivité des villes : elle assure le quotidien des habitants et de leurs activités. Cette question a toutefois été invisibilisée, en raison de la prépondérance de travaux et d’études centrés sur l’économie, les réseaux de mobilité, les réalisations architecturales et urbanistiques, les inégalités sociales et ethniques, ainsi que les activités culturelles et touristiques. Si les premières villes et civilisations sont nées dans les bassins fluviaux de l’Euphrate, du Tigre et du Nil, il n’en fut plus de même, par la suite, en raison d’une sérieuse confiance dans les avancées techniques. Ce constat peut facilement être illustré par l’expérience des villes du sud-ouest des États-Unis, dont Los Angeles. Localisée dans une région aride (semi-désertique), ses élites (économique, technique et politique) se sont appuyées sur le savoir-faire des ingénieurs, pour assurer l’approvisionnement en eau et mener une politique d’attractivité. Elles ont également sollicité l’intervention de l’État fédéré (Californie), ainsi que de l’État fédéral. Les protagonistes de Los Angeles partageaient la vision d’une grande ville, en mesure de rivaliser avec New York. Complices, ils ont opté pour une politique d’attractivité auprès des Américains de la côte Est et du Midwest, voire au-delà de l’Atlantique. Ce qui ne les empêcha pas de se retrouver en rivalité pour rentabiliser la promotion foncière indissociable de la conquête de l’eau, une situation ayant parfois entraîné de la violence.
« Building Stronger LA »
La croissance démographique et économique de Los Angeles – un pueblo espagnol devenu ville mexicaine, avant d’être intégrée au territoire des États-Unis en 1850 – a débuté à partir du moment où elle fut reliée par le train à San Francisco, une ville desservie par une ligne ferroviaire allant de la côte atlantique à la côte paci- fique. Lors de sa fondation en 1781, elle fut alimentée par l’eau du fleuve (Los Angeles River) et releva de l’autorité municipale jusqu’au milieu du XIXe siècle. Puis, sous la pression de promoteurs fonciers, les élus signèrent des concessions auprès de deux entreprises privées chargées d’anticiper sur la croissance démo- graphique : la LAW (Los Angeles Water) et la CW (Citizens Water). Mais mécontents du service rendu, les habitants se mobilisèrent, quelques décennies plus tard, pour réclamer une remunicipalisation du service de l’eau (Fogelson, 1967; Ghorra-Gobin, 1997; McWilliams, 1979).
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Cynthia Ghorra-Gobin
Le barrage Hoover (Hoover Dam) sur le fleuve Colorado aux États-Unis. ©Emily Jo Sutcliffe/Unsplash