Avec la raréfaction de l’or bleu et le réchauffement climatique, l’agriculture doit s’adapter pour répondre aux besoins toujours croissants des cultures et des élevages. Pour subvenir à nos besoins alimentaires, on estime que 1 000 litres d’eau sont nécessaires par jour et par personne. Un défi permanent.
André Bernard, vice-président de Chambres d’agriculture France, vit dans le Sud, en dessous du lac artificiel de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) qui alimente 6 millions d’habitants et attire de nombreux touristes l’été. À l’occasion des « Controverses de l’agriculture », organisées le 16 février dernier par le groupe Réussir-Agra, il déclarait : « Quand je fais appel à l’irrigation, je sais que ça va me coûter 15 % à 20 % de mon chiffre d’affaires. Et cet été, j’ai fait des pois chiches sans irrigation ; je n’ai récolté que 2 à 3 quintaux par hectare, contre 6 quintaux pour ceux qui irriguaient. Il faut aménager des systèmes économes, mais il faut aussi sécuriser l’accès à l’eau. » De son côté, Alexis Guilpart, animateur du réseau Eau et milieux aquatiques de France Nature Environnement et intervenant dans cette même conférence, rétorquait : « Au sein des projets de territoire pour la gestion de l’eau [PTGE, NDLR], les agriculteurs ne doivent pas juste arriver en disant : “On a besoin de tant d’eau, on fait des réserves.” Il faut un projet global. »
En septembre 2019, les Assises de l’eau ont fixé un objectif de réduction des prélèvements de 10 % d’ici à 2025, et de 25 % d’ici à 2035. Un objectif atteignable ? « La réponse passe par l’économie, le partage et la sécurité des ressources », répond André Bernard, qui précise d’ailleurs que de nombreux essais sont mis en place dans les stations expérimentales des chambres d’agriculture. Par exemple, l’agriculteur explique avoir fait de l’irrigation en goutte à goutte sur du maïs semé à l’été 2022. « Mais parfois cela ne suffit pas : il faut arroser 3 à 5 minutes par brumisation toutes les heures. » Alexis Guilpart reconnaît que les exigences sont fortes vis‑à-vis des agriculteurs, et qu’il faudrait au moins les mêmes pour les autres usages. « On ne peut pas demander à un agriculteur de faire des efforts, si on ne pose pas la question de l’usage récréatif de l’eau. Dans certains territoires, cet usage peut, en effet, représenter de gros volumes… » Lors des « Controverses », le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, affirmait : « Quand un agriculteur prélève de l’eau, ce n’est pas pour remplir sa piscine, mais pour nourrir, c’est d’utilité publique. »
L’irrigation en ligne de mire
Si l’irrigation est pratiquée sur 7,2 % de la surface agricole utile (SAU) selon le dernier recensement agricole – ce qui est peu, par rapport à d’autres pays européens –, Alexis Guilpart estime que la trajectoire de progression est inquiétante, avec une hausse des surfaces irriguées de 14 % en douze ans. Et de citer l’exemple du bassin Adour-Garonne qui, « selon le SDAGE [schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux] doit effectuer une transformation agricole massive pour diminuer ses prélèvements d’eau ». Une affirmation qui met l’agriculteur André Bernard en colère : « L’ensemble des productions françaises sont en train de reculer. Nous stockons à peine 5 % de l’eau qui tombe, l’Espagne en stocke plus de 50 %. Si l’herbe ne pousse plus dans les prairies à cause de la sécheresse, va-t-on importer du foin qui arrive d’Espagne ? »
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Claire Nioncel
Des outils innovants permettent de rationaliser l’arrosage à partir des données récoltées par les capteurs disposés sur le terrain et sur l’humidité des sols ©Weenat