Construire un récit de l’impensable
An aerial image shows destroyed homes and vehicles after a wind driven wildfire burned from the hills through neighborhoods to the Pacific Ocean, as seen in the aftermath of the Maui wildfires in Lahaina, Hawaii, on August 17, 2023. Embattled officials in Hawaii who have been criticized for the lack of warnings as a deadly wildfire ripped through a town insisted on August 16 that sounding emergency sirens would not have saved lives. At least 110 people died when the inferno levelled Lahaina last week on the island of Maui, with some residents not aware their town was at risk until they saw flames for themselves. (Photo by Patrick T. Fallon / AFP)

« Redressement », « résilience », « risque », « vulnérabilité »…, la circulation des mots et des concepts permet de tisser une narration face à l’inconcevable, entre préparation et prévention.

 

Le récit des leçons de crises et chocs urbains s’est imposé dans les sciences sociales (États-Unis, Europe) après le Nine Ele­ven, évènement tra­gique qui tou­cha New York (le 11 sep­tembre 2001), entraînant la des­truc­tion du World Trade Cen­ter et le décès de 3 000 per­sonnes. Il s’élabora à par­tir de la notion de redres­se­ment (reco­ve­ry), en se basant sur les tra­vaux d’historiens ayant mis en lumière les capacités de l’ensemble des pro­ta­go­nistes de la fabrique urbaine pour se rele­ver d’une catas­trophe : Chi­ca­go (1871), Hiro­shi­ma et Naga­sa­ki (1945), Dresde (1945) et Coven­try (1940), pour citer quelques noms. Ce récit s’enrichit avec le mot de « résilience », à la suite de l’ouvrage de Vale et Cam­pa­nel­la (2005). La « résilience », se com­pre­nant comme syno­nyme de l’ « art de l’optimisme », fut jugée per­ti­nente pour sou­li­gner le cou­rage des élus, habi­tants et pro­fes­sion­nels œuvrant à la recons­truc­tion urbaine de type post-disas­ter urba­nism en y asso­ciant la thématique de la mémoire. Elle repo­sait alors sur une dis­tinc­tion entre catas­trophe « natu­relle » et catas­trophe « humaine ». La seconde étant associée aux des­truc­tions et trau­ma­tismes issus d’une guerre, d’actes ter­ro­ristes ou de risques indus­triels. Ce rap­pel des mots utilisés pour par­ler des crises et chocs en vue des leçons à en tirer se veut une démarche pour reve­nir sur la « culture du risque » et argu­men­ter en faveur du récit de la prévention face à l’impensable (par­tagé par les élus, pro­fes­sion­nels et habitants).

Incer­ti­tude et/ou absence d’une poli­tique de prévention

Contrai­re­ment à l’idée d’une dis­tinc­tion entre crises associées à la nature et à l’humain, le géographe Jean-François Pérouse écrit : « Ce ne sont pas les catas­trophes natu­relles qui tuent », à la suite du séisme en Tur­quie, en 2023 (lire inter­view p. 36). Après avoir sou­ligné le décès de 50 000 per­sonnes et le déplacement de 4 mil­lions d’habitants, il fait référence aux dys­fonc­tion­ne­ments politico‑économiques, à la négligence des maires. Dans la région de Kah­ra­man­ma­ras, le séisme était jugé prévisible par les scien­ti­fiques et confirmé par son occur­rence au cours de l’histoire. D’où la cri­tique à l’égard des maires qui ont auto­risé des pro­mo­teurs à construire des loge­ments sans tenir compte des risques sis­miques connus de tous. Seules les com­munes ayant obligé les pro­mo­teurs à se confor­mer aux normes anti­sis­miques n’ont pas enre­gistré de vic­times. Il est alors pos­sible de par­ler de cor­rup­tion. Des cher­cheurs insistent sur la thématique de l’incertain (Cal­lon, Las­coumes & Barthe, 2001) pour évoquer la fra­gi­lité des sociétés contem­po­raines. Il est cer­tain qu’il leur revient de faire face aux trois défis imbriqués que représentent les pro­ces­sus de mon­dia­li­sa­tion, glo­ba­li­sa­tion et planétarisation.

Lire la suite de cet article dans le n°434

Cyn­thia Ghorra-Gobin

Les incen­dies de forêt de Maui à Lahai­na (Hawaï), le 17 août der­nier, ont coûté la vie à une cen­taine de per­sonnes et détruit de nom­breuses mai­sons et véhicules. ©Patrick T. Fallon/AFP

 

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