Entretien avec Corinne de Berny et Alexandre Floury, chargés d’étude au département Société et habitat de L’Institut Paris Région, auteurs de la Note rapide « Aspirations et préoccupations des jeunes Franciliens » (n° 928, décembre 2021).
En quoi était-il pertinent d’extraire de l’enquête annuelle « Conditions de vie et aspirations des Franciliens » les données portant spécifiquement sur la jeune population ?
Corinne de Berny : Il s’agit d’une exploitation essentiellement statistique et non qualitative des aspirations des jeunes Franciliens.
L’enquête annuelle plus exhaustive dont elle est issue et réalisée en 2021 portait plus spécifiquement sur le télétravail. Compte tenu des résultats obtenus sur les désirs de mobilité des jeunes Franciliens, et leur degré d’engagement social notamment, l’idée de faire le point sur leurs envies et leurs craintes a émergé.
À L’Institut Paris Région, beaucoup de nos travaux sont consacrés à la jeunesse, souvent sous le prisme du logement et de l’emploi. Or, ce qui nous a frappés en rédigeant cette note, c’est bien son implication dans la vie citoyenne et son intérêt pour les enjeux climatiques. Raison pour laquelle il a été décidé de lancer, en 2022, une enquête sur la façon dont la jeunesse francilienne s’empare justement des questions environnementales. Un questionnaire sera établi au courant du printemps prochain. Et l’enquête devrait démarrer en juillet pour des résultats publiés en fin d’année.
Pourquoi avoir choisi un spectre aussi large que les 18–34 ans pour étudier la jeunesse francilienne ?
Corinne de Berny : C’est effectivement la question que l’on s’est posée au moment de l’exploitation des données et de la rédaction de la note. Ce choix s’explique surtout par le fait que la décohabitation est bien plus tardive en Ile-de-France : l’âge médian auquel les jeunes quittent le logement parental est de 25 ans ; avec des impacts sur la mise en couple ou l’arrivée du premier enfant. Par ailleurs, nous avons systématiquement fait la distinction entre les 18–24 ans, les 25–29 ans et les 30–34 ans. C’est aussi une manière de comprendre l’évolution de leurs parcours et de leurs désirs de mobilité notamment.
Quel est l’enjeu de l’étude ? Comprendre pourquoi les (moins) jeunes quittent l’Ile-de-France après 34 ans ? Et comment y remédier ?
Alexandre Floury : Notons que s’il y a bien un désir de déménager, la majorité des jeunes veut rester en Ile-de-France.
Contrairement à leurs aînés.
Corinne de Berny : Précisions également que l’Ile-de-France est la seule région qui présente une forte attractivité sur deux aspects : pour les études et l’insertion professionnelle. L’enjeu est de proposer aux jeunes des conditions de vie plus agréables. Une autre spécificité francilienne pourrait être une déperdition non négligeable des salariés de la fonction publique, comme les infirmiers ou les policiers, aux revenus modestes.
L’étendue du télétravail et du télé-enseignement entraînée par la crise sanitaire a‑t-elle renforcé les envies d’ailleurs ?
Corinne de Berny : Nous n’avons pas encore assez de recul pour le dire. Les données portant sur la façon dont les jeunes ont vécu la formation à distance manquent de précision.
Alexandre Floury : Dans notre enquête, on constate que les étudiants, et surtout les jeunes inactifs, ont été les plus impactés par la crise sanitaire en matière de santé mentale au cours des douze derniers mois.
Corinne de Berny : Une récente étude de L’Institut Paris Region sur « Les usages du numérique dans l’enseignement » a mis en exergue l’impréparation importante d’une majorité d’établissements. Et la grande souffrance qu’elle a générée auprès du personnel et des étudiants. En conclusion de notre note, nous avons ressorti un chiffre de l’ouvrage de Frédéric Dabi, La Fracture, lequel indique que près des trois quarts des jeunes Français de moins de 30 ans se disent optimistes en pensant à l’avenir, contre seulement 41 % de la population moyenne. Cet optimisme nous a beaucoup étonnés, mais le chiffre est antérieur à la crise sanitaire. Car les résultats de la dernière enquête de l’Observatoire de la vie étudiante de juillet 2021 révèlent une baisse de moral significative chez les étudiants franciliens.
Julie Snasli
Photo : © Paul Lecroart – L’Institut Paris Region