Le 14 octobre 2023, l’association Hameaux Légers a inauguré son écocentre à Saint-André-des- Eaux, en Bretagne. Dans un écrin de nature, elle y expérimente de nouveaux modes d’habiter, dits « réversibles », qui préservent les sols. Reportage.
C’est un samedi de mi-octobre assez chanceux dans les Côtes- d’Armor, frais et lumineux. Le grand bal des feuilles mortes n’a pas encore commencé et tout est emmitouflé de vert. Bec ivoire et plumes charbon, quelques foulques macroules dérivent sur l’eau. Mais il se passe quelque chose de l’autre côté de la départementale qui traverse Saint-André-des-Eaux. Le parking est plus encombré que d’habitude ; poussettes et bicyclettes convergent. C’est dans ce petit village de 380 habitants, à dix kilomètres au sud de Dinan, que l’association Hameaux Légers inaugure son écocentre dédié à l’habitat réversible.
Pour ceux qui veulent tout voir, le programme est chargé: il y a la visite du jardin naturaliste, celle du lotissement du Placis, la découverte des maisons d’exposition, du café-concert, un atelier low-tech, et des ateliers pour enfants… Les moins pressés vont commencer par boire un verre à l’abri des tonnelles. Un bref coup d’œil permet déjà de dire que, du nouveau-né au retraité, toutes les générations sont là. La plupart sont de Bretagne, mais d’autres viennent de plus loin. D’Ile-de-France ou d’ailleurs, ils squatteront un canapé ou poseront leur tente pour la nuit. Au total, près de 500 personnes visiteront le site au fil de la journée, dans une atmosphère à la fois familiale, joyeuse et parfois studieuse.
Le point commun de tous les participants est un vif intérêt pour l’autoconstruction. Partout, les discussions techniques vont bon train : ici on parle d’épaisseur idéale d’isolant, plus loin, de puissance de batterie en kilowattheure. Certains débattent des différences entre la yourte contemporaine et la yourte mongole, quand d’autres vantent les vertus du bardage en mélèze auto- clavé. Il en est de même pour les financements et les démarches d’urbanisme. Les novices sont venus pour apprendre : carnet de notes à la main, ils inscrivent les ordres de grandeur, les sigles et les montants. Morceau choisi : « Pour moins de 20 m² de surface, je dois quand même faire une déclaration au Spanc [service public d’assainissement non collectif, ndlr] ? »
Formation accélérée
Ordonnatrice de ce grand raout, l’association Hameaux Légers a pour mission de « permettre à toutes et à tous d’accéder à des habitats et des modes de vie durables et solidaires, pour des territoires plus vivants ». Plus concrètement, elle accompagne depuis 2017 des collectifs d’habitants dans la création d’éco-hameaux composés d’habitats réversibles.
Patricia, 67 ans, est venue de Saint-Malo pour peaufiner son projet. Chien en laisse et sourire jusqu’aux oreilles, elle est en train de monter un éco-hameau avec son collectif CormoRance. « Je n’avais aucune connaissance préalable, mais on s’enrichit mutuellement. Réfléchir à ces questions d’habitat alternatif, de comment vieillir différemment, ça me passionne. » Son projet a reçu une aide d’accompagnement de 8 000 euros du réseau Habitat Participatif France, car il prévoit d’héberger plus de 50 % de seniors. « Je vais vivre avec ma mère de 90 ans ! », annonce-t-elle fièrement.
Mais que signifie concrètement le terme «réversible»? Pour Hameaux Légers, il se décline en quatre catégories: l’habitat mobile (comme une caravane), l’habitat transportable par traction (comme un conteneur aménagé), l’habitat démontable et remontable facilement (comme une yourte) et l’habitat biodégradable composé de terre ou de paille qui se décomposent dès la déconstruction (comme une kerterre). Ils recensent aussi différentes méthodes de fondations légères, comme des pilotis, des pieux en acier ou des pneus de récupération remplis de cailloux. Ce dernier système, qui ne coûte pratiquement rien, est réputé capable de supporter 72 tonnes par pneu. Largement suffisant pour les maisons en bois de quelques dizaines de mètres carrés installées à Saint-André-des-Eaux.
David Attié
La maison en A, d’une vingtaine de mètres carrés, repose sur des pneus remplis de gravier.
© David Attié