« Terra incognita »

Le second forum de l’Institut de la transition foncière, organisé le 11 décembre 2023 au Pavillon de l’Arsenal, était consacré aux enjeux de connaissance et de gouvernance des sols vivants, afin de mettre en évidence que l’une ne va pas sans l’autre.

 

Pour le com­mun des mor­tels, le sol se limite à cette par­tie super­fi­cielle ter­reuse – et par­fois bétonnée – sous nos pieds. Une aber­ra­tion pour le géochimiste Jérôme Gaillar­det, pro­fes­seur à l’Institut de phy­sique du globe de Paris, qui nous invite à un « voyage » dans les entrailles de la terre. La couche supérieure du sol est reliée à des tréfonds et des temporalités inson­dables. « Nous n’habitons pas le globe, mais une très fine pel­li­cule à la sur­face de notre astre. » Jérôme Gaillar­det est issu du mou­ve­ment des Cri­ti­cal Zones, qui nage à contre-cou­rant de la science tra­di­tion­nelle. Cette ini­tia­tive scien­ti­fique étudie la Terre comme un système, en recon­nec­tant des dis­ci­plines qui ont été séparées tant par la recherche elle-même que par les institutions.

For­ma­tion de la zone critique

Reve­nons au fon­de­ment de la géologie, et à son père, James Hut­ton, qui en 1788, démontre la cycli­cité du temps géologique, que l’on croyait jusqu’alors linéaire. Notre astre, à l’instar des planètes du système solaire, se régénère conti­nuel­le­ment, en fonc- tion des sédiments et minéraux qu’il reçoit. Cette zone cri­tique inter­con­necte donc la lithosphère, l’atmosphère et la biosphère.

Nous connais­sons tous le cycle court de la Terre : l’absorption du gaz car­bo­nique dans l’atmosphère par le végétal, qui crée de la matière orga­nique dégradée dans le sol. Pour­tant, la zone cri­tique est liée à des cycles de trans­for­ma­tion beau­coup plus longs pou­vant durer des dizaines, des cen­taines de mil­liers, voire des mil­lions d’années. Et dans ces inter­con­nexions com­plexes, les roches jouent un rôle cen­tral dont on méconnaît les ver­tus. Par un phénomène d’altération chi­mique, elles absorbent les gaz car­bo­niques dans l’atmosphère. Il est imper­cep­tible et se pro­duit conti­nuel­le­ment grâce à des micro-orga­nismes. Ces bios- phères sont encore un mystère pour les scien­ti­fiques, qui en connaissent mal les fonc­tions et les propriétés.

L’eau est un autre élément essen­tiel de la com­po­si­tion de cette zone cri­tique. Elle recon­necte latéralement les différents seg- ments de la Terre. Il s’agit d’ailleurs d’une spécificité ter­restre qui a per­mis son habi­ta­bi­lité en créant cette fine pel­li­cule poreuse.

Enfin, deux éléments sont nécessaires à la pérennité de la zone cri­tique. Le soleil active la photosynthèse et pro­duit du gaz car­bo­nique par la dégradation des êtres vivants. En complément, les mou­ve­ments des plaques tec­to­niques engendrent du relief, ce qui per­met à la Terre d’être habi­table. En effet, la vie serait impos­sible sur une sur­face plane, car l’eau ne s’y écoulerait pas. C’est ce qui explique la différence entre Mars et la Terre.

L’altération chi­mique et l’érosion per­mettent ces cycles géologiques « gran­dioses », à la sur­face et dans les pro­fon­deurs abys­sales qui sont, au même titre que nos villes, formées de roches cal­caires, de car­bone et de cal­cium. Cette géodynamique glo­bale est impres­sion­nante. Un humus formé par le sol peut être trans­porté jusqu’à l’océan et com­men­cer un cycle de dix mil­lions d’années. « La résilience du système Terre est per­mise par l’emboîtement de ces différents cycles et tem­po­ra­lité depuis 4,5 mil­liards d’années », sou­ligne Jérôme Gaillardet.

Mai­der Darricau 

© Scott Blake/Unsplash

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