Entre prospective et planification, comment se réconcilier avec notre futur ?

Du rap­port Mea­dows de 1972 à celui du Giec en 2022, les outils de prévision et de pros­pec­tive n’ont jamais cessé de nous aler­ter sur les risques à venir, sans pour autant déboucher sur des actions per­met­tant de s’en prémunir. Pen­dant ce temps, le capi­ta­lisme impo­sait ses visions court-ter­mistes, tan­dis que la pla­ni­fi­ca­tion étatique dis­pa­rais­sait des débats. Mais alors, quelqu’un a‑t-il un plan ?

Il y a cin­quante ans était publié Les Limites à la crois­sance, plus connu sous le nom du rap­port du Club de Rome ou rap­port Mea­dows. La célèbre étude s’appuyait sur une modélisation mathématique de notre monde phy­sique pour affir­mer une évidence qui n’avait pas été formalisée jusque-là : il n’y a pas de crois­sance infi­nie dans un monde fini. « Au vu des ten­dances actuelles, les limites phy­siques à la crois­sance seront atteintes au cours de la vie de nos enfants. Si nous igno­rons cette limite, et que nous conti­nuons une crois­sance fondée sur des poli­tiques à court terme, nous attein­drons un point de non-retour qui condui­ra à un effon­dre­ment », écrivaient les auteurs. Leur aver­tis­se­ment était immédiatement sui­vi d’un appel à l’action. Il existe une alter­na­tive au scénario du pire, à condi­tion d’organiser méthodiquement l’équilibre entre nos res­sources limitées et notre pro­duc­tion. Ils ajoutent : « Chaque année per­due dans la mise en œuvre d’une nou­velle poli­tique ren­dra la tran­si­tion nécessaire beau­coup plus dif­fi­cile et dimi­nue­ra nos chances de la réaliser. » C’est donc un appel pres­sant et impérieux à la pla­ni­fi­ca­tion que nous fait la science depuis 1972. Appel confirmé et étayé sans relâche par les tra­vaux du Groupe d’experts inter­gou­ver­ne­men­tal sur l’évo- lution du cli­mat (Giec) ces dernières années. Un appel pour­tant resté glo­ba­le­ment sans réponse.

Peut‑être que, comme l’affirme le cher­cheur anglais Timo­thy Mor­ton, les concepts de bio­di­ver­sité ou de réchauffement cli­ma­tique sont des « hyper­ob­jets gluants » : par leur enver­gure et leur com­plexité, ils deviennent insai­sis­sables et anesthésient toute volonté d’agir. À moins que ce ne soit la pla­ni­fi­ca­tion qui est à bout de souffle, désormais inca­pable de pen­ser l’avenir et de le faire adve­nir, et réduite à un simple jeu de boule de cris­tal. Entre crise du poli­tique, de la pros­pec­tive et la pla­ni­fi­ca­tion, com­ment se réconcilier avec notre futur ?

Le plan ou l’anti-hasard

Depuis l’arrêt des plans quin­quen­naux en 1993, on pen­sait la pla­ni­fi­ca­tion morte et enterrée. Mais la pandémie de Covid a fait res­sur­gir le sujet, notam­ment comme réponse aux difficultés rencontrées en matière d’approvisionnement et au sujet de la relance économique. Les ques­tions de sou­ve­rai­neté indus­trielle, de res­pon­sa­bi­lité de l’État et de pla­ni­fi­ca­tion stratégique sont ain­si reve­nues au cœur du débat public. Médias et think tanks y sont allés de leurs com­men­taires sur ce retour en grâce. En mars 2022, l’économiste Jacques Sapir publiait l’ouvrage Le Grand Retour de la pla­ni­fi­ca­tion ?. En sep­tembre 2020, Emma­nuel Macron res­sus­ci­tait le com­mis­sa­riat au Plan, et l’année sui­vante, le plan France 2030 met­tait sur la table 54 mil­liards d’euros sur cinq ans pour « rat­tra­per le retard de la France dans cer­tains sec­teurs his­to­riques ». Vous avez dit plan quinquennal ?

Quelques précisions sur ce qu’est la pla­ni­fi­ca­tion, et plus particulièrement la pla­ni­fi­ca­tion française : créé au len­de­main de la Seconde Guerre mon­diale, le Com­mis­sa­riat général du Plan de moder­ni­sa­tion et d’équipement (CGP) doit recons­truire le pays et le moder­ni­ser. Le terme de pla­ni­fi­ca­tion appelle sou­vent un ima­gi­naire soviétique, alors que la tra­di­tion française s’en dis­tingue ; elle est dite « indi­ca­tive ». Elle consiste à orien­ter les forces vives de la société dans un pro­jet com­mun, sans les y contraindre. C’est « une voie médiane revendiquée par la France gaul­liste entre libéralisme et com­mu­nisme », explique une note de France Stratégie, orga­nisme d’études et de pros­pec­tive, d’évaluation des poli­tiques publiques et de pro­po­si­tions, placé auprès du Pre­mier ministre. Dans un pre­mier temps, elle com­porte ain­si une large concer­ta­tion des ser­vices publics et des par­te­naires sociaux. Ceux-ci élaborent ensemble un cadre pour cinq ans indi­quant les inves­tis­se­ments prio­ri­taires. La dimen­sion pros­pec­tive de ce plan quin­quen­nal est tout à fait pri­mor­diale. Elle donne une capa­cité de pro­jec­tion et d’anticipation basée sur des modèles de développement.

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David Attié 

Cré­dit pho­to : Hei­di Kaden/Unsplash

 

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