Au mitan des années 1980, la Planet Drum Foundation a posé les fondements de la méthode biorégionaliste aux États-Unis, pour ensuite infuser des associations, des municipalités, des services techniques et des départements de planification régionale. Un courant de pensée qui essaime désormais dans la société civile française.
En 1986 se tient à San Francisco une série de colloques sur les « villes vertes » et « l’urbanisme soutenable ». L’évènement est organisé par la Planet Drum Foundation, une association créée une dizaine d’années plus tôt par des militants écologistes nullement issus du monde de l’urbanisme. Araignée au centre de la toile, la Planet Drum est l’organe à l’origine du mouvement biorégionaliste dans son entier ; elle dynamise les communautés se revendiquant de ce courant de pensée et organise de multiples actions de terrain (restauration écologique, éducation populaire aux milieux, rencontres, publications, etc.). L’objectif de l’association, en organisant cet évènement centré sur les questions urbaines, est triple. Premièrement, elle poursuit par là sa mission écologiste originelle, en formulant un ensemble de propositions biorégionalistes pratiques, à destination des élus, techniciens et citoyens de tout le bassin-versant – mégalopole, villes et villages inclus. Deuxièmement, son idée est aussi d’initier un mouvement international autour du concept de « ville verte » (Green City) qu’elle a inventé au cours des années 1980. Troisièmement, son but est de renforcer la présence des idées biorégionales et du mouvement biorégionaliste au sein, cette fois, des milieux de l’urbanisme et de la planification – un monde qui n’avait jusqu’alors été que brièvement évoqué dans les divers travaux théoriques et actions militantes de l’association.
Une association radicale au service du réel
La série de rencontres est un réel succès, tant et si bien qu’en 1989, la Planet Drum édite un petit ouvrage d’une soixantaine de pages issu de ces évènements, explicitement intitulé A Green City Program for San Francisco Bay Area Cities and Towns. Simple d’accès, le livre est rédigé pour être compréhensible et applicable par le plus grand nombre. Pragmatique, il se conclut sur un petit annuaire présentant les multiples associations écologistes déjà présentes et œuvrant sur place en des sens similaires à celui décrit dans l’ouvrage. En ouverture, il présente aussi des remerciements intéressants à commenter, notamment au regard du nom figurant en tête de liste des « généreux donateurs » ayant permis la publication: Earth First! Foundation – célèbre organisation écologiste radicale controversée, engagée dans « l’action directe » et le sabotage industriel, prônant une réelle « révolution » écologiste, dût‑elle passer par la violence.
Il n’est nullement surprenant qu’une telle organisation sou- tienne le travail de terrain de la Planet Drum Foundation : Dave Foreman, cofondateur d’Earth First!, n’avait-il pas lui-même écrit, cette année‑là, que son organisation était « la milice du mouvement biorégional » ? Mais surtout, il importe de reconnaître cette complicité entre les associations pour bien entendre la remarquable radicalité de la Planet Drum elle-même et du mouvement biorégionaliste qu’elle a fondé au cours des années 1970. Cette capacité à faire alliance avec des pans opposés de la société, la liberté de proposer des journées d’études sur des problématiques aussi complexes que ceux de la planification urbaine et territoriale en tant que non-experts du sujet, et l’engagement positif et pragmatique au service d’une écologie concrète : voilà ici réunies plusieurs caractéristiques marquantes du mouvement initié par la Planet Drum Foundation.
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Mathias Rollot
Program For San Francisco Bay Area Cities & Towns©