EPR : Comment le nucléaire s’installe dans les territoires
En France, six EPR sont actuellement sur les rails. Les critères d’implantation sont multiples, mais surtout économiques. Les procédures d’urbanisme sont simplifiées, pilotées par l’État, et les impacts des EPR en matière de logement et de mobilité doivent être bien anticipés.
Après une mise en stand-by de la filière nucléaire, le président de la République lançait, en février 2022, un programme de six EPR, lesquels seront en service d’ici la décennie 2040 et « apporteront une puissance électrique installée supplémentaire de 10 GWe, avec une production de 60 TWh par an d’électricité décarbonée », selon EDF. Car les énergies renouvelables ne suffiront pas, ni en quantité (intermittence de la production en sus), ni en prix, pour atteindre les objectifs de la stratégie bas-carbone française d’ici à 2050. Sans oublier que les besoins en électricité devraient augmenter en France d’un tiers environ, selon RTE (Réseau de transport d’électricité), à horizon 2035, du fait de l’électrification des usages. Les trois sites retenus privilégient l’immédiate proximité de centrales nucléaires : Penly (Seine-Maritime), où deux réacteurs seront implantés d’ici à 2035 ; Gravelines (Nord), avec une paire prévue pour 2039 ; et le Bugey (Loyettes et Saint-Vulbas, Ain). Huit EPR2 supplémentaires sont à l’étude, à la demande du Président. Des lieux d’implantation seront proposés par EDF d’ici à fin 2026. Pour l’heure, les communes de Chooz (Ardennes) et Chinon (Indre-et-Loire) se sont portées candidates.
Acceptabilité des populations
Le choix des sites d’implantation dépend d’abord de la demande. Ainsi, le projet de Gravelines est situé sur un gros bassin d’emploi, avec des projets industriels importants : usine de batteries et électrification d’ArcelorMittal, à Dunkerque. Idem pour Penly, à proximité du port du Havre et de la vallée industrielle de la Seine, et pour le Bugey, près de Lyon, Grenoble et Genève. EDF explique, en outre, travailler « à partir des études et des critères techniques : foncier disponible, capacité d’évacuation de l’énergie produite, aléa sismique, capacité de refroidissement […] ». La proximité
de l’eau est donc cruciale : Penly et Gravelines sont en bord de mer ; le Bugey, près du Rhône. Classiquement, les EPR font l’objet d’un dossier « loi sur l’eau » et d’une étude d’impact, avec notamment les impacts sur les infrastructures, transports, connexions électriques, risques industriels… En matière de biodiversité, des compensations écologiques sont opérées. Pour Penly, la communauté de communes Falaises du Talou (CCFT) a acheté 70 hectares de milieux naturels (coteaux calcaires, bois, héronnière…) qu’elle louera pendant quatre-vingts ans (durée des EPR) à EDF, lequel financera des aménagements écologiques.
À Gravelines, ce sont 120 à 140 hectares qui sont prévus, mais le lieu, qui pourra aussi se situer hors de la communauté urbaine de Dunkerque (CUD), le foncier y étant rare, n’est pas encore trouvé. « On pourrait renaturer et désimperméabiliser des friches industrielles ou foncières », précise toutefois Bertrand Ringot, maire de Gravelines. Le calendrier et le critère financier sont cruciaux. Ainsi, le Bugey a été préféré à Tricastin (Drôme) où des études complémentaires restaient à réaliser, pour lancer plus rapidement la construction. L’acceptabilité des populations est cependant incontournable : retenir des sites où sont déjà présentes des centrales nucléaires offre davantage de chance d’aboutir et dans des délais plus rapides. Les EPR font l’objet de débats publics (DP) organisés par la commission nationale du débat public (CNDP), dossier du maître d’ouvrage (DMO) à l’appui (2). Celui de Gravelines s’est terminé le 17 janvier 2025. Celui du Bugey, qui a lieu actuellement (depuis le 28 janvier et jusqu’au 15 mai prochain), sera restitué en juillet 2025, date à partir de laquelle EDF aura trois mois pour répondre. « Dans 60 % des cas, les projets sont modifiés à la suite du débat public, selon la CNDP, précise Olivier Demoulin, responsable grands projets à la communauté de communes de la Plaine de l’Ain concernée par les EPR du Bugey. Et dans 10 % des cas, ils n’aboutissent pas. »
Frédéric Ville
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Photo de couverture : Panneau portant un PLU imaginaire dans la nature. Crédit : Francesco Scatena
Photo : L’EPR de Flamanville (Manche) était lancé en septembre dernier… avec douze ans de retard. Aujourd’hui, la filière nucléaire est très sensible : nombre de professionnels ou élus n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Crédit : EDF
1/ L’EPR (anciennement European Pressurized Reactor, désormais Evolutionary Power Reactor) est un réacteur nucléaire à eau pressurisée de troisième génération et de forte puissance (ndlr).
2/ Pour Penly : www.debatpublic.fr/sites/default/files/2022–10/PenlyEPR-DMO-EDF-RTE.pdf ; Pour Gravelines : www.debatpublic.fr/sites/default/files/2024–08/EPR2-GRAVELINES-DMO.pdf