Exode urbain, une réalité contrastée
Aude, 31 ans, vient aussi de s'installer a son compte a Chambain (Cote d Or) pour elever des poules pondeuses, en agriculture biologique. Il s agit d'une reconversion professionnelle puisqu'elle a travaille au CHU de Dijon pendant dix ans comme manipulatrice en radiologie. C'est en 2017 qu'elle choisit de quitter le ´†confort†ª de son statut de fonctionnaire - ou dit-elle, elle avait l'impression d'etre une machine, travaillant toute la journee en sous-sol et ne pouvant accorder suffisamment de temps aux patients- pour donc se lancer dans le metier d'agricultrice et passe un diplome de responsable agricole. Pour commencer Aude a recu, ses 300 premieres poules. D'ici quelques mois, elle sera a la tÍte d un elevage de 500 poules pondeuses qu'elle gardera un an et demi. Elles seront ensuite reformees puisqu elles ne pondront plus qu'a 70 % et vendues a des particuliers ou encore a l'association Poule House afin de vivre leur vie de poule d environ une decennie, ce qui correspond a la longevite normale de l animal. Souhaitant privilegier un circuit court et connaitre ses clients, Aude va faire de la vente directe. Les oeufs bio etant tres demandes, elle ecoule deja tout son stock: au marche de Dijon, aupres de deux AMAP (Association pour le Maintien d une Agriculture de Proximite), ainsi qu'a un restaurateur. Un bel avenir en perspective !

La crise sanitaire du Covid-19 a‑t-elle provoqué dans l’Hexagone un exode urbain voyant les métropolitains quitter massivement leurs habitats collectifs étriqués pour céder à l’appel de la nature et de l’espace dans nos petites villes et campagnes ? C’est ce qu’a tenté d’élucider le Puca avec une étude dont la réponse est, bien entendu, nettement plus nuancée. Décryptage avec ses auteurs.

 

En 2020, à l’issue du pre­mier confi­ne­ment, une petite musique s’installait dans les médias : une sorte « d’urba-phobie » se serait empa­rée des habi­tants des grandes villes, un besoin irré­pres­sible d’espace se fai­sant sen­tir, cer­tains fran­chis­sant le pas et quit­tant leur loge­ment étri­qué, sans exté­rieur, pour rejoindre le grand air de la cam­pagne. Sur­fant sur cet air, des col­lec­ti­vi­tés ont embrayé, déve­lop­pant un mar­ke­ting ter­ri­to­rial des­ti­né aux urbains en mal de grands espaces, van­tant la qua­li­té de la vie et leurs des­sertes avec les métro­poles ou Paris. Après l’exode rural, nous serions entrés dans l’ère de l’exode urbain.

Pour ques­tion­ner cette asser­tion qui se répan­dait dans les jour­naux, dès 2021, le Réseau rural fran­çais et le Plan urba­nisme construc­tion archi­tec­ture (Puca), dans une démarche par­te­na­riale coor­don­née par la Pla­te­forme d’observation des pro­jets et stra­té­gies urbaines (Pop­su), déci­daient de lan­cer une étude per­met­tant d’objectiver et quan­ti­fier les flux de popu­la­tion post-Covid. Inti­tu­lée « L’exode urbain : un mythe, des réa­li­tés », son pre­mier volet mené par trois équipes de cher­cheurs a per­mis de nuan­cer les faits et, sur­tout, de pro­po­ser une lec­ture fine des mou­ve­ments de dépla­ce­ment sur le ter­ri­toire fran­çais dans cette période inédite. « De nom­breux médias se deman­daient si la crise du Covid-19 avait éga­le­ment ren­du la ville malade, pré­cise la cher­cheuse en éco­no­mie Marie Breuillé. Ils titraient sur l’exode de l’hyper-urbain, sur la renais­sance rurale ou encore la revanche des petites villes. Pour étu­dier le phé­no­mène, il fal­lait à la fois quan­ti­fier et qua­li­fier les mou­ve­ments de popu­la­tion qui avaient lieu sur les ter­ri­toires. » Pour ce faire, les trois équipes, com­plé­men­taires du fait de leurs dis­ci­plines et de leurs approches dif­fé­rentes, se sont répar­ti le tra­vail sous la hou­lette d’Hélène Milet, coor­di­na­trice du pro­jet pour Pop­su. « Jusque-là, les articles de presse s’appuyaient sur les don­nées de vente des notaires, et des don­nées de vente et de loca­tion des réseaux d’agences immo­bi­lières et de pla­te­formes…, mais pour obser­ver les consé­quences qua­si­ment en temps réel, il fal­lait mobi­li­ser des don­nées ori­gi­nales. »

Plu­tôt que d’utiliser les don­nées de l’Insee ou de Ber­cy, qui accusent for­cé­ment un déca­lage de temps, les équipes de cher­cheurs se tournent vers des sites spé­cia­li­sés comme Meilleurs Agents, Se Loger et La Poste. Les pre­mières, pour suivre les inten­tions de mobi­li­té à tra­vers les requêtes des uti­li­sa­teurs ; la der­nière, pour consta­ter les démé­na­ge­ments effec­tifs. « Deux équipes se sont par­ta­gé le tra­vail quan­ti­ta­tif, ajoute Hélène Milet. La pre­mière, plu­tôt géo­graphe, et la deuxième, com­po­sée de géo­graphes et éco­no­mistes, se sont appuyées sur des bases de don­nées inédites per­met­tant de sai­sir le “très chaud” des ter­ri­toires, et au croi­se­ment de ces équipes, de construire un dis­cours ana­ly­tique. » Quant à la troi­sième équipe, com­po­sée de socio­logues géo­graphes qua­li­ta­tifs, « elle a étu­dié le ter­rain en six ter­ri­toires, pour obser­ver les nou­veaux arri­vants, leurs pro­fils, les causes de leur démé­na­ge­ment et com­ment les élus se posi­tion­naient ».

Pre­mier constat : pas de bou­le­ver­se­ment géographique

Les résul­tats, livrés en février 2022, ont éta­bli un constat à contre-cou­rant de la ten­dance média­tique : fina­le­ment, le «monde d’après » res­semble très for­te­ment à celui du « monde d’avant ». Il y a, bien sûr, eu des départs, mais rien qui per­mette d’user du terme « exode urbain ». Ce fameux retour au vert, van­té à lon­gueur de por­traits de néo­ru­raux, n’est pas carac­té­ri­sé. Dans les faits, la pan­dé­mie a accé­lé­ré les départs en pro­ve­nance des grands centres urbains, en par­ti­cu­lier des plus grandes métro­poles, vers d’autres ter­ri­toires, mais pas de manière mas­sive. En prio­ri­té, ce sont des villes plus petites qui ont été sol­li­ci­tées, ain­si que les cou­ronnes péri­ur­baines, accen­tuant la périurbanisation.

 

Mar­jo­laine Koch

Lire la suite de cet article dans le n°439 « Périphéries »

Cré­dit pho­to : Corinne Rozotte / Divergence

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