Explorer avant de planifier, la prospective stratégique au service de la transition des territoires

Le chan­ge­ment cli­ma­tique qui pèse sur l’avenir de l’humanité s’insinue pro­gres­si­ve­ment dans l’histoire et émerge de plus en plus comme un sujet de pré­oc­cu­pa­tion poli­tique et citoyenne. Le pro­nos­tic est, en effet, inquié­tant avec des impacts qui s’annoncent « graves, éten­dus et irré­ver­sibles » selon le Groupe d’ex­perts inter­gou­ver­ne­men­tal sur l’é­vo­lu­tion du cli­mat (GIEC) : crues, épi­sodes extrêmes, risques natu­rels aggra­vés, pay­sages natu­rels, agri­coles et fores­tiers en muta­tion, éco­sys­tèmes per­tur­bés et mena­cés… Et les consé­quences tendent mal­heu­reu­se­ment à se mul­ti­plier et s’intensifier dans les ter­ri­toires depuis plu­sieurs années.

« Gou­ver­ner, c’est pré­voir », dit une vieille maxime. Et avec un chan­ge­ment cli­ma­tique qui s’accélère, les acteurs des ter­ri­toires s’accordent aujourd’hui sur l’urgence et l’importance d’agir pour mettre en place des solu­tions à court, moyen et long terme. C’est ce que Dipesh Cha­kra­bar­ty appelle « la prise de conscience de la pla­nète et de son his­toire géo­bio­lo­gique »[1].

Dans ce chan­ge­ment du rap­port de l’humain au temps et au monde, nous assis­tons depuis quelques années au retour en grâce de la pla­ni­fi­ca­tion comme outil de pro­jec­tion des ter­ri­toires sur l’avenir dans l’action poli­tique. Car dans la réponse à la crise éco­lo­gique, le temps long revêt une impor­tante toute par­ti­cu­lière. Son anti­ci­pa­tion est fon­da­men­tale : elle consti­tue la matrice des stra­té­gies, des accords et des trai­tés rela­tifs à l’atténuation des émis­sions comme à l’adaptation des ter­ri­toires aux effets du chan­ge­ment cli­ma­tique. La tran­si­tion éco­lo­gique, la pro­tec­tion de la pla­nète et la pré­ser­va­tion des éco­sys­tèmes ne peuvent se pen­ser et se pour­suivre qu’à l’échelle de ce temps long qui trans­forme le rap­port de l’action publique à la dura­bi­li­té de ses consé­quences. Et comme le sou­tiennent Domi­nique Bourg et Ker­ry Whi­te­side, « les pro­blèmes éco­lo­giques nous font pas­ser [au monde] de la bio­sphère, à nou­veau clos et res­ser­ré, carac­té­ri­sé par un allon­ge­ment du temps de l’action. Nous n’habitons plus le monde des modernes ».[2]

Si le temps court est celui de l’action, ou de la réac­tion, immé­diate et néces­saire dans un monde qui subit l’effet de l’urgence cli­ma­tique, le temps long est celui de la réflexion et de l’anticipation, celui qui prend soin des géné­ra­tions futures et qui ques­tionne nos droits par rap­port aux leurs. Et même si ces deux échelles tem­po­relles semblent expri­mer une cer­taine dua­li­té, elles ne s’opposent pas mais se com­plètent. Le temps long a besoin de temps court pour tes­ter et mettre à l’épreuve les stra­té­gies du long terme avant que celles-ci ne soient déployées et géné­ra­li­sées. Et inver­se­ment, le temps court a besoin de temps long pour anti­ci­per les consé­quences et impli­ca­tions des actions court-termistes.

Pen­ser le temps long, c’est pré­pa­rer le futur dès main­te­nant, c’est orga­ni­ser l’action col­lec­tive dès aujourd’hui en vue d’une espé­rance plus ou moins loin­taine. Nous consta­tons d’ailleurs qu’au cours de l’histoire, l’anticipation du long terme s’est régu­liè­re­ment posée en réac­tion ou en anti­ci­pa­tion à une crise excep­tion­nelle. C’était notam­ment le cas dans des poli­tiques ter­ri­to­riales pla­ni­fi­ca­trices comme la trans­for­ma­tion hygié­niste de Paris sous le Second Empire pour répondre aux pro­blèmes d’insalubrité, les recons­truc­tions post-guerre dès les années 1950 qui avaient pour objec­tif de résoudre la crise du loge­ment et les tran­si­tions de villes euro­péennes comme Malmö, Man­ches­ter au XXe siècle pour faire face au déclin post-indus­triel. Or, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, l’épuisement des res­sources, l’érosion de la bio­di­ver­si­té sont aujourd’hui des bou­le­ver­se­ments majeurs qui nous invitent à pen­ser autre­ment et col­lec­ti­ve­ment notre rap­port au futur.

 Mobi­li­ser de nou­veaux récits

Pen­ser le temps long, c’est aus­si mobi­li­ser de nou­veaux récits. Car la ques­tion éco­lo­gique ne pro­gres­se­ra que si l’on arrive à chan­ger de para­digme, de mode de pen­ser… Et c’est là que la pros­pec­tive joue un rôle inté­res­sant pour accom­pa­gner les émer­gences et mul­ti­plier les pos­sibles avant le déploie­ment des « plans ».

 

 

Auto­route d’Elange au Luxem­bourg – Vision 2030, un nou­vel ima­gi­naire pour un futur dési­rable © AREP — Taktyk

La pros­pec­tive est une dis­ci­pline de réflexion tour­née vers l’avenir, sans cher­cher à le pré­dire. Elle vise à éclai­rer les déci­sions et les choix poli­tiques d’aujourd’hui, en inté­grant les enjeux de demain et en explo­rant des che­mins pos­sibles. Son objec­tif est de com­prendre, d’explorer et d’anticiper, avant de per­mettre aux déci­deurs de pla­ni­fier et d’agir.

Elle a l’avantage d’accepter l’incertitude quand la pla­ni­fi­ca­tion ne le per­met pas. Son côté explo­ra­toire lui per­met de s’intéresser aux options pos­sibles et d’inclure une réflexion sur ce qui est pro­bable, pos­sible et sou­hai­table avant d’interroger l’action poli­tique. Son atter­ris­sage peut tout de même être pla­ni­fi­ca­teur et elle peut ain­si pré­cé­der et orien­ter l’esquisse de nou­veaux « plans » stratégiques.

Elle a éga­le­ment l’avantage de pou­voir être col­lec­tive, elle peut ain­si démo­cra­ti­ser et éga­li­ser le débat quand elle est par­ti­ci­pa­tive, car per­sonne ne connaît le futur avec cer­ti­tude. Et bien qu’historiquement fon­dée à l’articulation du monde des experts et de celui des acteurs poli­tiques, la dis­ci­pline s’ouvre de plus en plus à la par­ti­ci­pa­tion citoyenne, depuis quelques années, avec l’enjeu d’une meilleure prise en compte de l’intérêt général.

Elle per­met aus­si de convo­quer de nou­veaux ima­gi­naires pour ouvrir le débat et nour­rir des visions nou­velles et inno­vantes. Elle invite à « dés­in­car­cé­rer le futur » comme le dit le mani­feste du col­lec­tif d’auteur de science-fic­tion Zan­zi­bar. Elle donne ain­si au futur des repré­sen­ta­tions mul­tiples pos­sibles qui pour­ront ensuite orien­ter l’action poli­tique ou sociale, ou même orien­ter l’inaction sur le modèle de la fresque du renoncement.

Les études pros­pec­tives « Luxem­bourg in Tran­si­tion » et « Grand Anne­cy – Agglo­mé­ra­tion Archi­pel » menées par AREP consti­tuent des exemples du déploie­ment de la pros­pec­tive au ser­vice de la tran­si­tion éco­lo­gique des ter­ri­toires. L’exercice pros­pec­tif y a été employé pour explo­rer des tra­jec­toires et des scé­na­rios qui donnent à voir aux déci­deurs des outils et des moyens leur per­met­tant de faire tendre leurs ter­ri­toires vers des modèles plus vertueux.

 

La pros­pec­tive au Luxem­bourg pour ima­gi­ner un nou­veau paysage

AREP et ses par­te­naires ont livré en 2022 une mis­sion pour le Grand-Duché du Luxem­bourg qui s’intitule « Luxem­bourg in Tran­si­tion ». L’objectif de cette étude était de tra­cer la tra­jec­toire de décar­bo­na­tion à l’horizon 2050 du Luxem­bourg et de sa région fonc­tion­nelle, une région admi­nis­tra­tive trans­fron­ta­lière d’environ 10000 km² regrou­pant en plus du Luxem­bourg, des par­ties des ter­ri­toires de la France, de l’Al­le­magne et de la Bel­gique. A noter que le Luxem­bourg détient aujourd’­hui l’empreinte car­bone (par habi­tant et par an) la plus éle­vée d’Eu­rope et l’une des plus éle­vées du monde ; un peu plus de 20 teqCO2/hab./an. Ceci est dû à de nom­breux fac­teurs en lien direct avec les modes de vie trans­fron­ta­liers : mobi­li­té domi­cile-tra­vail, arti­fi­cia­li­sa­tion mas­sive des sols, modes de vie très consom­ma­teurs en res­sources, en éner­gie, en matière…

Courbes de décar­bo­na­tion du Luxem­bourg, de sa région fonc­tion­nelle et de la France, de l’Allemagne et de la Bel­gique dans un scé­na­rio à 2°C en 2050 © AREP

 

Pour faire face au défi de la décar­bo­na­tion, nous avons tra­vaillé sur une mise en récit du « Pay­sage capi­tal » en 2050, un pro­jet pros­pec­tif spa­tia­li­sé de la tran­si­tion sou­hai­table, dési­rable et opti­miste, qui s’est foca­li­sé sur trois thé­ma­tiques cen­trales : l’arrêt de l’artificialisation des sols par le réin­ves­tis­se­ment du patri­moine bâti exis­tant ; la tran­si­tion du patri­moine agro­fo­res­tier par la diver­si­fi­ca­tion, l’extension et la connexion des milieux fores­tiers d’une part, et la trans­for­ma­tion du modèle d’exploitation agri­cole d’autre part ; et enfin la décar­bo­na­tion de la mobi­li­té des per­sonnes par de nou­velles orien­ta­tions pro­gram­ma­tiques, fis­cales et régle­men­taires mais éga­le­ment par la trans­for­ma­tion de l’affordance des espaces publics. Trois enjeux ne résu­mant bien sûr pas à eux seuls l’ensemble des tran­si­tions à entre­prendre mais qui per­mettent de réduire l’empreinte car­bone d’environ 40% à l’horizon 2050.

La décar­bo­na­tion des mobi­li­tés – un axe majeur de la tran­si­tion au Luxem­bourg © AREP

Et pour pré­ci­ser notre vision stra­té­gique, nous avons choi­si de nous appuyer sur la méthode pros­pec­tive dite de « back­cas­ting ». Pre­nant acte du fait que les scé­na­rios ten­dan­ciels nous éloignent de plus en plus des cibles cli­ma­tiques défi­nies lors des dif­fé­rentes COP, il nous a en effet sem­blé néces­saire de faire un bond vers 2050, afin d’esquisser ce à quoi pour­rait res­sem­bler un atter­ris­sage néces­saire et suf­fi­sant de la région fonc­tion­nelle. Par­tant de cet état cible sou­hai­té, nous en avons ensuite déduit des jalons inter­mé­diaires ain­si que les pre­mières actions de rup­ture à ini­tier dès aujourd’hui pour déjouer les scé­na­rios ten­dan­ciels et enga­ger plei­ne­ment la tran­si­tion cli­ma­tique. Nous avons ain­si décrit, ima­gi­né et des­si­né le pay­sage dési­rable et enthou­sias­mant de 2050 de ce ter­ri­toire au tra­vers des thèmes explo­rés de la mobi­li­té, de l’artificialisation et de la tran­si­tion agri­cole et fores­tière. Avec un man­tra : avan­cer par étape dès main­te­nant. Car il ne s’agissait pas de poser de grandes actions struc­tu­relles qui ne seraient effec­tives qu’en 2050. Il faut bien, dès à pré­sent, agir et faire tout ce qu’il est pos­sible de faire.

Notre approche a consis­té, par ailleurs, à croi­ser spa­tia­li­sa­tion et métrique de la tran­si­tion, plus pré­ci­sé­ment la métrique car­bone. L’étude a ain­si déve­lop­pé le modèle f(lux), per­met­tant d’avoir cet aller-retour inces­sant entre les pro­po­si­tions pros­pec­tives d’aménagement du ter­ri­toire et les « pesées éco­lo­giques ». Il s’agit là de la méthode-pro­jet d’AREP et de sa démarche EMC2B, un prisme à tra­vers lequel l’ensemble des pro­jets de l’agence sont aujourd’hui appré­ciés et éva­lués au regard des enjeux des cinq thé­ma­tiques de tran­si­tion : Éner­gie — Matière — Car­bone – Cli­mat et Biodiversité.

 

La pros­pec­tive au Grand Anne­cy pour explo­rer des possibles

Le Grand Anne­cy, agglo­mé­ra­tion consti­tuée de 34 com­munes sur une super­fi­cie d’environ 540 km², aux pay­sages somp­tueux entre lacs et mon­tagnes, a connu un dyna­misme éco­no­mique très fort et une crois­sance démo­gra­phique sou­te­nue depuis plus d’un demi-siècle avec une popu­la­tion qui a été mul­ti­pliée par deux entre les années 1960 et aujourd’hui. Cette crois­sance s’est tra­duite par un impor­tant rythme d’artificialisation et d’empiètement urbain sur le milieu natu­rel agri­cole et fores­tier. Plus de 40 hec­tares ont ain­si été arti­fi­cia­li­sés en moyenne tous les ans depuis 2012.

Vue du lac d’Annecy © AREP

L’étude « Grand Anne­cy – Agglo­mé­ra­tion Archi­pel » a été lan­cée à l’issue des débats d’« Ima­gine le Grand Anne­cy » qui ont mis en évi­dence d’une part, l’attachement fort au ter­ri­toire des habi­tants et des élus, d’autre part le sen­ti­ment que le modèle de déve­lop­pe­ment, qui semble davan­tage subi que pla­ni­fié, a peut-être atteint ses limites face à des fra­gi­li­tés locales mais aus­si glo­bales. Le modèle ter­ri­to­rial actuel est ain­si à réin­ven­ter pour faire face à la rare­té fon­cière, aux dyna­miques de déve­lop­pe­ment urbain, à la satu­ra­tion de cer­taines infra­struc­tures, mais aus­si au chan­ge­ment cli­ma­tique. Le Grand Anne­cy est, d’ailleurs, aux pre­mières loges du chan­ge­ment cli­ma­tique, car le ter­ri­toire est par­ti­cu­liè­re­ment expo­sé au réchauf­fe­ment en cours, qui se trouve accen­tué en contexte alpin. Car si à l’échelle mon­diale, l’augmentation de la tem­pé­ra­ture moyenne est d’ores est déjà de +1,1°C, dans les ter­ri­toires alpins, les rele­vés effec­tués tra­duisent une aug­men­ta­tion locale net­te­ment supé­rieure, attei­gnant +2,2°C, soit le double de la moyenne mondiale.

C’est donc dans le contexte d’un ter­ri­toire conscient de l’adaptation néces­saire, en ques­tion­ne­ment sur les mesures à prendre, que le CAUE de Haute-Savoie, en col­la­bo­ra­tion avec le Grand Anne­cy, a enga­gé cette étude pros­pec­tive en s’ap­puyant sur AREP pour pré­ci­ser les spé­ci­fi­ci­tés de l’organisation du ter­ri­toire, explo­rer ses capa­ci­tés d’évolution et de rési­lience face au risque cli­ma­tique et pré­fi­gu­rer son évo­lu­tion pour demain en tra­çant le che­min vers un futur dési­rable et sou­te­nable pour ses habi­tants. Il s’agit ain­si de pas­ser de l’in­quié­tude qui s’est expri­mée dans les débats citoyens à une pen­sée plus posi­tive sur l’avenir.

La pros­pec­tive pro­cède ici par l’esquisse de trois tra­jec­toires pos­sibles de tran­si­tion, nour­ries de nos échanges avec les acteurs des ter­ri­toires. Des tra­jec­toires qui adressent avec des degrés d’ambition dif­fé­rents les grands enjeux d’aménagement du ter­ri­toire autour de la figure de l’archipel, orga­ni­sa­tion spa­tiale qui semble se retrou­ver dans le Grand Anne­cy aujourd’hui mais aus­si figure de tran­si­tion jugée capable de pro­mou­voir un déve­lop­pe­ment sou­te­nable du ter­ri­toire, tout en contri­buant à une culture par­ta­gée par les habitants.

Nous avons ain­si décli­né trois scé­na­rios volon­tai­re­ment contras­tés pour don­ner à voir des choix poli­tiques et socié­taux dif­fé­rents : l’archipel dif­fus, l’archipel négo­cié et l’archipel des com­muns. Sur les enjeux d’artificialisation, de déve­lop­pe­ment urbain, de mobi­li­té, mais aus­si de tran­si­tion éner­gé­tique, agri­cole et fores­tière, chaque scé­na­rio pro­pose des tra­jec­toires différentes.

L’archipel dif­fus mise essen­tiel­le­ment sur les inno­va­tions tech­niques et tech­no­lo­giques pour répondre aux enjeux de la tran­si­tion tout en rédui­sant l’impact de ces évo­lu­tions sur les modes de vie des grands anné­ciens. Il se carac­té­rise à titre d’exemple par des mobi­li­tés qui res­tent majo­ri­tai­re­ment auto­mo­biles mais électrifiées.

L’archipel négo­cié prend, quant à lui, le par­ti d’un amé­na­ge­ment arti­cu­lé autour de coopé­ra­tions ter­ri­to­riales ren­for­cées au sein de l’agglomération d’une part et entre l’agglomération et les ter­ri­toires voi­sins du Grand Anne­cy d’autre part, ques­tion­nant la notion d’archipel à une échelle plus vaste.

Enfin, l’archipel des com­muns explore les manières dont l’aménagement du ter­ri­toire pour­rait accom­pa­gner une évo­lu­tion plus pro­fonde des com­por­te­ments et des modes de vie, par le biais d’un retour à une échelle plus locale. Chaque scé­na­rio est, par ailleurs, incar­né par un socio­type por­teur pour lequel un récit est nar­ré en 2050. Des fic­tions à ne pas prendre comme des pré­dic­tions mais plu­tôt comme des expé­riences de pen­sée cher­chant à mieux iden­ti­fier les inté­rêts et risques asso­ciés à chaque che­min pour les habi­tants du territoire.

Tra­duc­tion spa­tiale des trois scé­na­rios pour le Grand Anne­cy en 2050 et leur incar­na­tion par des socio­types por­teurs © AREP — Taktyk

Comme au Luxem­bourg, l’étude du Grand Anne­cy croise ima­gi­naire et métrique : Les scé­na­rios ont ain­si été éva­lués par plu­sieurs indi­ca­teurs métriques pour véri­fier et com­pa­rer l’ef­fi­ca­ci­té des dif­fé­rentes actions qui y sont envi­sa­gées sur la limi­ta­tion de l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion, le ren­for­ce­ment de la rési­lience éner­gé­tique et la réduc­tion de la dépen­dance à l’au­to­mo­bile dans une logique de décar­bo­na­tion des mobilités.

 

Com­pa­rai­son de la tra­jec­toire de réduc­tion des émis­sions car­bone de cha­cun des trois scé­na­rios et des tra­jec­toires des objec­tifs à 1,5°C et à 2°C de l’accord de Paris pour le ter­ri­toire du Grand Anne­cy © AREP

 

Com­pa­rai­son de l’intensité car­bone du volet mobi­li­té de cha­cun des trois scé­na­rios 2050 du Grand Anne­cy © AREP

 

Aujourd’hui, en der­nière phase d’étude, un scé­na­rio hybride est en cours de co-construc­tion avec les élus de l’agglomération pour consti­tuer le che­min final. La pros­pec­tive est ain­si déployée sur le Grand Anne­cy comme un outil d’aide à la déci­sion dans le cadre de la défi­ni­tion d’une stra­té­gie de tran­si­tion éco­lo­gique pour l’agglomération, un outil qui explore des che­mins et donne à voir une repré­sen­ta­tion, un ima­gi­naire qui pour­rait per­mettre aux élus mais aus­si aux citoyens de se pro­je­ter dans un ave­nir, incer­tain peut-être (parce qu’on n’est pas dans la pré­vi­sion mais dans la pros­pec­tive), mais sou­hai­table et durable.

A noter que la Ville d’Annecy mène éga­le­ment sur son propre péri­mètre une autre étude pros­pec­tive, « Anne­cy 2050 », avec un grou­pe­ment pilo­té par l’AUC. Le CAUE de Haute-Savoie sou­haite, d’ailleurs, pro­fi­ter des tra­vaux en cours sur le ter­ri­toire pour enga­ger une réflexion plus étayée sur la nature et le sens d’une démarche de pros­pec­tive ter­ri­to­riale. Une expo­si­tion por­tant sur le rôle joué par la pros­pec­tive au ser­vice des ter­ri­toires et dont j’ai le plai­sir d’assurer le com­mis­sa­riat est ain­si en cours de pré­pa­ra­tion pour l’automne 2023. Elle sera l’opportunité de reve­nir sur l’histoire de la pros­pec­tive et de don­ner au grand public des clefs de com­pré­hen­sion sur la néces­si­té d’imaginer les villes et les ter­ri­toires sur le temps long avant de les transformer.

 Après la pros­pec­tive, la planification…

Ces deux études pros­pec­tives se déploient, après la prise de déci­sion poli­tique, en orien­ta­tions stra­té­giques pla­ni­fi­ca­trices. Dans le cas du Luxem­bourg, l’étude pros­pec­tive a per­mis d’alimenter la refonte du Pro­gramme direc­teur d’aménagement du ter­ri­toire (PDAT). Dans le cas du Grand Anne­cy, l’étude pros­pec­tive doit venir s’articuler avec le PLU-i-HMB en cours d’élaboration pour per­mettre d’asseoir un cadre régle­men­taire des futurs pro­jets opé­ra­tion­nels de l’agglomération.

La pros­pec­tive, qui porte en elle une part d’incertitude, et la pla­ni­fi­ca­tion qui porte une action plu­tôt déter­mi­niste écar­tant des pos­sibles, bien que repré­sen­tant deux exer­cices dif­fé­rents d’anticipation du futur, peuvent donc se com­plé­ter. La pros­pec­tive explore avant que la pla­ni­fi­ca­tion ne conclue. Et pour reprendre les termes de Ber­trand de Jou­ve­nel, l’un des théo­ri­ciens et pères fon­da­teurs de la dis­ci­pline en France, on pour­rait dire que la pros­pec­tive consi­dère l’avenir comme un « domaine de liber­té » quand la pla­ni­fi­ca­tion y voit plu­tôt un « domaine de volonté ».

Hiba Debouk, direc­trice délé­guée à la direc­tion ter­ri­toires d’AREP

 

 

[1] Dipesh Cha­kra­bar­ty, Après le chan­ge­ment cli­ma­tique, pen­ser l’histoire, Edi­tions Gal­li­mard, 2023, p.21

[2] Domi­nique Bourg et Ker­ry Whi­te­side, Vers une démo­cra­tie éco­lo­gique. Le citoyen, le savant et le poli­tique, op. cit. 2010, p.10²

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