Vers des villes zéro déchet ?

En Europe, une poignée de municipalités pionnières s’engagent pour la réduction des déchets, dont Besançon, pour la France. Mais l’objectif zéro déchet est-il réellement tenable ou relève-t-il d’une vision uto­pique pour la ville de demain ?

En 1986, la ville suédoise de Borås se retrouve face à un dilemme. Plus de 90 % des déchets qu’elle pro­duit sont jetés en décharge ; un énorme gâchis sur le plan envi­ron­ne­men­tal. Un an plus tard, la muni­ci­pa­lité va fran­chir un pas his­to­rique en se dotant d’un système révolutionnaire de ges­tion des déchets.

Les habi­tants doivent, à présent, jeter leurs ordures ménagères dans deux types de sacs : l’un blanc, pour les déchets résiduels ménagers, et l’autre noir, pour les restes ali­men­taires. Les autres déchets – embal­lages, déchets électroniques, etc. – seront également triés, puis envoyés dans des centres de recy­clage. À l’aube des années 1990, ce système de tri et de col­lecte des déchets à la source est encore très peu répandu ailleurs dans le monde, ce qui fait de Borås une ville pionnière dans ce domaine. Très vite, la ques­tion se pose de valo­ri­ser les biodéchets collectés à grande échelle. En 1995, Borås se dote d’un centre de trai­te­ment bio­lo­gique afin de pou­voir conver­tir ses restes en bio­gaz. La première cen­trale de trai­te­ment ouvre ses portes en 2003, au moment où la ville adopte son troisième plan de ges­tion des déchets. Depuis, la muni­ci­pa­lité suédoise valo­rise systématiquement ses biodéchets en énergie, afin d’alimenter les équipements publics, en par­ti­cu­lier pour le chauffage.

Une ques­tion de décision

En une décennie, cette poli­tique volon­ta­riste a per­mis de réduire le poids des pro­duits jetés en décharge de 100 000 tonnes, en 1990, à moins de 200 tonnes, en 2010 – soit 0,4 % des déchets récoltés à Borås. À l’inverse, 28,6 % d’entre eux ont été recyclés et 53,4 % ont été conver­tis en énergie. Cette poli­tique a ins­piré le reste du pays, qui est passé de la pro­duc­tion de 1 500 000 tonnes mis en décharge, en 1975, à 33 000 tonnes, en 2012 – soit moins de 1 % des déchets générés par les Suédois. Les 99 % res­tants sont soit recyclés, soit revalorisés en énergie, soit incinérés. « Nos poli­ti­ciens ont été assez clair­voyants pour ima­gi­ner un tel système très tôt, ce qui a per­mis à la ville de développer une poli­tique locale cohérente sur le plan envi­ron­ne­men­tal. Il faut tou­jours un pion­nier qui ins­pire ensuite les autres. Au final, la poli­tique, ce n’est qu’une ques­tion de décision », salue Kam­ran Rous­ta, cher­cheur spécialisé dans les ques­tions de recy­clage à l’université de Borås, qui a passé une large par­tie de sa carrière à s’intéresser à ce cas d’étude.

Depuis l’exemple suédois, les ini­tia­tives de tri des déchets à la source se sont multipliées ailleurs en Europe. L’Union européenne s’est d’ailleurs dotée, en 2019, d’une direc­tive sur le sujet de la ges­tion des déchets. La loi française prévoit, à tra­vers sa trans­po­si­tion, d’obliger les collectivités à établir un tri à la source des biodéchets dès 2024, trente-huit ans après l’exemple de Borås. D’autres municipalités européennes ont d’ailleurs déjà entamé une poli­tique volon­ta­riste dans ce domaine, bien avant que l’UE n’impose des obli­ga­tions. La ville de Milan, en Ita­lie, est actuel­le­ment l’un des meilleurs exemples de col­lecte séparée des déchets dans une grande ville européenne avec 110 kg de déchets ali­men­taires collectés en 2019 par habi­tant, contre seu- lement 18,84 kg en moyenne au sein de l’UE. Cela fait plus de dix ans désormais que la col­lecte des biodéchets est obli­ga­toire dans la capi­tale lombarde.

 

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Emma­nuelle Picaud

Dans le centre-ville de Besançon, une asso­cia­tion mène une opération de ramas­sage à vélo du com­post. ©Jean-Charles Sexe

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