« Il s’agit plus de réparer les tissus urbains hérités que de les étendre »

Distinguée au Palmarès des jeunes urbanistes en 2014, l’agence d’architecture, d’urbanisme et de paysage, Atelier Georges, s’appuie sur un travail de recherche par le projet autour de la transition écologique et foncière. Entretien avec Mathieu Delorme, l’un de ses fondateurs.

Ate­lier Georges s’est fondé sur la trans­dis­ci­pli­na­rité, pour­quoi est-ce désormais essen­tiel dans les pro­jets d’aménagement ?

Georges s’est créé à la suite du concours Euro­pan pour lequel nous avons été primés lors de trois ses­sions consécutives (Save­nay, Saclay, Mon­treuil). Notre approche croise dans le pro­jet, de manière systématique, nos trois dis­ci­plines : le pay­sage, l’architecture et l’urbanisme, avec les dimen­sions opérationnelles de l’aménagement (économie, cadre juri­dique, choix poli­tique, jeux d’acteurs, etc.). Nous conce­vons le pro­jet d’aménagement comme un espace de négociation, d’articulation dis­ci­pli­naire et opérationnelle, pour rele­ver le défi de la tran­si­tion écologique. Aujourd’hui, il s’agit plus de réparer les tis­sus urbains hérités que de les étendre. C’est l’esprit de l’objectif ZAN [« zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette », ndlr], mais cela nécessite de profondément revoir nos ima­gi­naires de développement, nos outils de trans­for­ma­tion spa­tiale et les compétences des maîtres d’œuvre et maîtrises d’ouvrage.

Pour­quoi l’aménagement dans son orga­ni­sa­tion actuelle est-il désuet ?

Les aménageurs sont des pro­fes­sion­nels qui mènent un tra­vail de ter­rain d’une grande com­plexité : il faut mobi­li­ser le fon­cier, anti­ci­per les risques de toute nature, l’évolution du marché, les injonc­tions – sou­vent contra­dic­toires – locales et natio­nales, coor­don­ner une mul­ti­tude d’acteurs, s’assurer de l’acceptation citoyenne et tenir les délais et les coûts. Cepen­dant, leur cadre opérationnel est issu d’un modèle, à mon sens, dépassé, qui date de l’après‑guerre : l’achat d’un fon­cier peu cher et le cal­cul de la charge foncière à rebours à par­tir de prix du marché qui per­mettent l’équilibre et les marges des bilans (aménageur, pro­mo­teur, inves­tis­seurs) sont adaptés à de la crois­sance urbaine sur terres agricoles.

Les volontés portées par les lois SRU [soli­da­rité et renou­vel­le­ment urbain], ALUR, cli­mat et résilience, de construire la ville sur la ville, ne sont pas accompagnées d’un ques­tion­ne­ment du modèle économique et du cadre juri­dique de la pro­duc­tion spa­tiale. Nous n’avons pas encore de mécanique économique et financière qui rémunère de manière inci­ta­tive la création d’un parc ou la res­tau­ra­tion d’une fonc­tion écologique d’un sol, par exemple. La même ques­tion se pose à l’échelle du pro­jet d’espace public : les hono­raires de maîtrise d’œuvre sont tou­jours calculés par rap­port à la quan­tité de tra­vaux réalisée et non à l’économie de matière, de car­bone, de terre qu’elle pour­rait réaliser.

Com­ment por­tez-vous cette parole chez Ate­lier Georges ?

Depuis la création de l’agence, nous nous nour­ris­sons de la com­plexité du pro­jet d’aménagement pour qu’il soit le plus juste pos­sible dans son des­sin, sa forme, sa matérialité, son esthétique. Nous aimons par­tir de la réalité phy­sique des lieux de pro­jet, de son sol comme épaisseur vivante à trans­for­mer, plus qu’une sur­face à construire. Nous avons élaboré une stratégie de recherche par le pro­jet autour de la tran­si­tion écologique, dont un des axes est la tran­si­tion foncière qui a donné lieu à un pre­mier article publié dans la revue scien­ti­fique Pro­jet de pay­sage. Ce par­tage de connais­sance nous a fait par­ti­ci­per, à la suite de l’invitation de Jean Guio­ny, à la rédaction d’un livre blanc sur la tran­si­tion foncière, qui a donné nais­sance à l’Institut de la tran­si­tion foncière et à une chaire de recherche dédiée, que je codi­rige avec mon collègue, Yous­sef Diab. Elle est portée scien­ti­fi­que­ment par l’École d’architecture de la ville et des ter­ri­toires Paris-Est ain­si que l’École des ingénieurs de la Ville de Paris, et vise à fédérer, sur ce thème, le réseau de cher­cheurs de l’université Gus­tave-Eif­fel et bien au-delà.

Pro­pos recueillis par Mai­der Darricau. 

© D. R.

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