Le Sud-est redécouvre la terre crue

Lors des Rencontres régionales de la construction terre, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), qui se sont déroulées à Salernes dans le Var, en septembre 2023, la filière de la terre crue a été passée au peigne fin.

 

La région PACA, bien qu’elle dis­pose de grandes quantités de terre argi­leuse, et que de nom­breuses mai­sons en pierre du ter­ri- toire soient composées de mor­tiers et d’enduits à base d’argile, est plutôt en retard sur le développement de la filière de construc­tion en terre crue. Trois asso­cia­tions Envi­ro­batBDM, Eco­Ba­tis­sonS et Ban­co !, qui se sont donné pour objec­tif d’impulser un chan­ge­ment majeur dans les pra­tiques construc­tives, afin de réduire l’impact glo­bal de l’acte de construire, œuvrent à l’emploi de la terre crue comme matériau de sub­sti­tu­tion par­tielle au béton.

Une res­source natu­relle à exploiter

Ce matériau natu­rel dis­pose de nom­breux atouts. La terre crue est un moteur ther­mique du bâtiment bio­cli­ma­tique. En hiver, les murs d’inertie en terre se chargent, par conduc­tion, en calo­ries pen­dant la journée. Celles-ci seront restituées la nuit par le rayon­ne­ment des infra­rouges longs, grâce au déphasage. À l’inverse, l’été, la sur­ven­ti­la­tion noc­turne per­met aux fri­go­ries de se sto­cker dans ces mêmes murs. Dans la journée, les locaux bio­cli­ma­tiques, protégés du rayon­ne­ment solaire, bénéficient alors de la fraîcheur restituée.

La terre crue revêt un deuxième avan­tage, le lis­sage hygrométrique. Son prin­cipe est d’absorber le trop-plein d’humidité de l’air et de le res­ti­tuer si l’air est trop sec. Le sen­ti­ment de confort ther­mique et hygrométrique est perçu par le corps.

L’utilisation de la terre crue se conçoit en syner­gie avec l’utilisation des fibres végétales comme com­po­sant struc­tu­rant. Ce mélange terre-fibres peut ser­vir d’isolation par l’extérieur, d’autant plus qu’il dis­pose d’une cer­taine qua­lité esthétique. Par ailleurs, le tra­di­tion­nel béton de chaux/chanvre se décline main­te­nant avec de l’argile, pour dimi­nuer son bilan carbone.

L’architecte fran­co-maro­caine et anthro­po­logue Sali­ma Naji, mar­raine de la démarche d’EcoBatissonS, défend avec la plus grande vigueur la recons­truc­tion en terre, notam­ment au Maroc. Ses per­for­mances ther­miques et la réparabilité à moindre coût de bâtiments dans des vallées reculées sont des avan­tages pour le pays, qui a connu un trem­ble­ment de terre majeur en sep­tembre 2023. Sachant qu’au Maroc, des règles para­sis­miques pour la construc­tion en terre préexistent.

La mise en place d’une filière est tou­te­fois com­plexe. Chaque maillon de la chaîne de valeur doit être mobi­lisé et prêt au bon moment: extrac­teurs, trans­for­ma­teurs, concep­teurs, pres­crip­teurs, appli­ca­teurs, for­ma­teurs, dis­tri­bu­teurs, maîtres d’œuvre et d’ouvrage… Si l’usage veut que l’offre crée la demande, il faut néanmoins sen­si­bi­li­ser cette demande en amont pour sécuriser l’implantation de nou­veaux pro­duc­teurs locaux. À l’inverse, si le construc­teur ne trouve pas la matière pres­crite dis­po­nible aisément, il pro­po­se­ra une alter­na­tive. Il semble impératif que les ins­ti­tu­tions, les médias et les pres­crip­teurs s’emparent de ce sujet.

La terre crue consti­tue, en outre, une véritable solu­tion d’économie cir­cu­laire, de l’extraction au pro­jet final et son recy­clage. Le cher­cheur Erwan Hamard a com­paré l’analyse de cycle de vie 1 (ACV : bilan car­bone et res­sources utilisées) de la terre crue « non adjuvantée » – de 0,5 kg à 16 kg CO2 eq/m2 de mur en terre crue – par rap­port à un béton de terre adju­vanté (sta­bi­lisé au ciment, chaux) – entre 45 et 240 kg CO2 eq/m2 de mur en terre crue (rap­pel : le béton armé représente 250 à 350 kg CO2 eq/m2, source Ifpeb).

Pour une économie circulaire

La terre crue pour­rait aus­si aider à la réduction des déchets. À d’autres époques, les aménageurs n’hésitaient pas à com­bler des vallées pour « évacuer » les terres d’excavation, en créant de nou­velles sur­faces à bâtir. Fort heu­reu­se­ment, ces pra­tiques ont qua­si­ment dis­pa­ru. Reste les mon­tagnes de terre qui poussent (envi­ron 2,5 mil­lions de tonnes en PACA) sur les pla­te­formes de sto­ckage, à chaque nou­veau chan­tier ou mine, ou encore en « déballes » sauvages.

Bru­no Bazire 

Pro­jet d’écorénovation à Val­bonne. ITE (Iso­la­tion par l’extérieur) avec création de grandes ouver­tures protégées au sud, cloi­son en terre crue, ven­ti­la­tion effi­ciente, pan­neaux photovoltaïques, chan­ge­ment de cou­leur d’enduit, per­go­la et végétations pour gar­der de la fraîcheur.

Pho­to « avant » et pers­pec­tive : Tri­hab Habi­tats climatiques

Un commentaire

  • MOUDJARI

    8 mars 2024 à 13h38

    so inter­res­ting
    Thanks

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