Avec près d’une vingtaine de filières en France, validées par un master, l’enseignement de l’urbanisme poursuit sa mue grâce à une professionnalisation accrue, toujours plus proche du terrain, une approche pluridisciplinaire ou encore l’intégration de problématiques sociétales et environnementales.
L’émergence de la pratique de l’urbanisme est indissociable de celle d’un enseignement qui se structure en France au sein des universités en lien avec les institutions compétentes et les professionnels, dès les années 1920 en région parisienne. Il se diffuse sur l’ensemble du territoire national dans les années 1960, puis, à partir de 1983, avec la décentralisation de la compétence en urbanisme qui marque un tournant dans l’essor et l’implantation en région des formations.
Une quarantaine de filières de formation en urbanisme francophones, dont plus de la moitié en France, sont labellisées conjointement par l’Association pour la promotion de l’enseignement, de la recherche en aménagement et urbanisme (Aperau) et par les organisations professionnelles. Accessibles dès la troisième année de licence à Panthéon-Sorbonne, Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille et Lyon, elles dispensent un socle d’enseignements communs, avant une spécialisation en première ou seconde année de master. Les masters diplôment aujourd’hui plus de 1 500 étudiants par an.
Professionnalisation et pluridisciplinarité
Une des spécificités du modèle français est le spectre large d’opportunités de carrière ouvertes dans le secteur public comme dans le privé. Si les formations visaient initialement à doter les administrations de cadres et de techniciens, l’insertion professionnelle des étudiants est de plus en plus variée: les bureaux d’études et l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) assurent presque la moitié des débouchés.
En master, deux grands champs de spécialisation sont proposés sous la forme de parcours de formation distincts : l’analyse et la prospective territoriale ; la conception et la production d’opérations urbaines, soit les principaux domaines d’activité de l’urbaniste tels que définis par le référentiel métier de l’Office professionnel de qualification des urbanistes (OPQU). Des spécialisations thématiques apportent une coloration à leurs enseignements ou ont motivé la création de parcours spécifiques en matière de production d’opérations immobilières et d’habitat (Sciences-Po, Paris Nanterre, École d’urbanisme de Paris [EUP], Grenoble, Le Havre, Lille, Rennes), d’organisation des mobilités et des transports (EUP, Lille, Toulouse), de coopération européenne et internationale (EUP, Aix-Marseille, Grenoble, Lille), ainsi que de gestion et d’aménagement des espaces publics ou de nature (EUP, Aix-Marseille, Bordeaux, Brest, Lille, Polytech Tours).
La centralité du portage des projets est une deuxième spécificité du modèle pédagogique français, qui reflète le poids du secteur mixte d’aménagement et de gestion du foncier. L’accès aux études en urbanisme est possible à chaque niveau de formation. Un recrutement pluridisciplinaire est recherché pour assurer une complémentarité entre les étudiants au sein des ateliers pédagogiques qui reposent sur le travail collectif.
Les enquêtes menées par le Collectif national des jeunes urbanistes (CNJU) témoignent de cette pluridisciplinarité à l’entrée en formation : la géographie, l’architecture, le paysage, l’agronomie et l’environnement, les sciences politiques, le droit, l’économie, l’immobilier, la construction et la gestion urbaine, les sciences de l’ingénieur, la sociologie, l’anthropologie et l’ethnologie, l’histoire et l’histoire de l’art comptent parmi les disciplines d’origine les plus représentées.
Emmanuelle Bonneau et Marco Cremaschi
L’atelier hors les murs de Segonzac en 2023, un partenariat entre les masters en urbanisme et en ingénierie culturelle de Bordeaux
© D. R.