La gestion circulaire des eaux lyonnaises
L’exemple de la station d’épuration Aqualyon-La Feyssine, dans la métropole lyonnaise, montre comment une grande intercommunalité se propose non seulement d’assurer la distribution et le traitement des eaux usées, mais aussi de considérer les cycles d’usage de l’eau selon une approche intégrée.
Comment gérer le cycle de l’eau depuis le captage de la ressource jusqu’au traitement des eaux usées ? C’est la mission que s’est attribuée la Métropole de Lyon – alors que depuis le 1er janvier 2023, la gestion de l’eau potable est assurée en régie par la collectivité – et qui rend compte d’une transformation majeure des manières d’aborder les politiques publiques de l’eau en France
À l’heure où l’action publique ne peut plus faire d’impasse sur son engagement environnemental, il ne s’agit plus, pour ces grandes intercommunalités, d’assurer seulement la bonne distribution de l’eau potable et le traitement des eaux usées, mais de considérer les cycles d’usage de l’eau selon une approche intégrée.
Ce changement de paradigme dans la gestion publique de l’eau s’inscrit dans une assez lente histoire législative, nationale et européenne. Elle est marquée notamment par la loi fondatrice de 1964, qui reconnaît les systèmes des grands bassins-versants en tant que périmètres pertinents de gestion, ainsi que par la directive-cadre européenne (DCE) sur l’eau de 2000, qui fixe les objectifs de non-dégradation des ressources et des milieux, de bon état des masses d’eau, de réduction des polluants et du respect des normes dans les zones protégées.
Ces enjeux écologiques et environnementaux braquent indéniablement les projecteurs sur la manière dont les eaux usées sont traitées, notamment dans les grandes agglomérations. Il s’agit ainsi pour les métropoles et autres intercommunalités – dont les compétences ont été élargies à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations – de sortir d’une approche in (raccordement à l’eau potable) et out (évacuation et traitement des eaux usées), afin de considérer les différents cycles d’usage de l’eau et l’interdépendance des systèmes d’usage et de traitement au sein des bassins hydrauliques.
Une lente évolution
Mais sortir de ce schéma n’est pas une mince affaire, car les réseaux, et notamment ceux propres à l’assainissement, évoluent lentement. Leur cycle de vie est d’environ vingt à trente ans. C’est un patrimoine dont les collectivités héritent, qu’elles entretiennent et rénovent à grands frais. De régulières mises à niveau s’imposent du fait de la dégradation des infrastructures, de nouvelles technologies ou encore de l’évolution des normes réglementaires à respecter, d’ailleurs souvent accompagnées des transformations dans les procédés techniques.
Par exemple, la réglementation plus contraignante sur les déchets issus de l’épuration des eaux oblige les exploitants à utiliser des solutions de valorisation et de réutilisation des effluents. L’assainissement collectif est donc un domaine d’action publique qui connaît des dynamiques de restructuration nombreuses et de différentes natures, notamment techniques, institutionnelles et politiques, mais aussi réglementaires.
Pour faire évoluer ce lourd système technique d’assainissement, les collectivités qui en sont responsables peuvent jouer sur deux plans: le hard, en veillant à ce que les infrastructures de traitement et leur dimensionnement demeurent adaptés au regard des évolutions démographiques, des fonctions urbaines et des activités du territoire, et le soft, en organisant un système plus intégré des fonctions d’assainissement collectif, d’assainissement individuel et de gestion des eaux pluviales.
C’est dans cette optique qu’au milieu des années 2000, la direction Eau et assainissement du Grand Lyon (aujourd’hui Métropole de Lyon) décide de construire une nouvelle station d’épuration dans le quartier de La Feyssine, à Villeurbanne, en zone dense métropolitaine, d’emblée pensée comme un équipement exemplaire dans le respect de l’environnement. Sa conception urbaine, ses procédés techniques et la programmation de ses différentes fonctions, évolutives dans le temps, en témoignent.
Un protocole de « management environnemental »
La décision n’est pas anodine. D’abord, parce que la rénovation-extension des systèmes d’épuration est souvent préférée à la construction neuve : on évite ainsi la création de nouvelles canalisations et le détournement d’autres. Ensuite, parce que le choix d’une localisation en pleine agglomération implique une attention particulière à l’insertion urbaine et paysagère de l’équipement.
Des solutions techniques ont ainsi dû être trouvées pour limiter les odeurs (système de ventilation, désodorisation chimique), tandis qu’un protocole de « management environnemental » a été mis en place avec la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna) pour garantir, notamment, les faibles impacts de la station sur les milieux aquatiques.
Des dispositifs techniques ont aussi été ajoutés à la station pour en pousser les performances environnementales : la chaleur des eaux usées est utilisée pour la climatisation et le chauffage des locaux du site, les toitures végétalisées permettent une plus grande isolation des bâtiments, la station d’épuration crée en partie sa propre ressource énergétique via ses panneaux photovoltaïques.
Lire la suite de cet article dans le numéro 431
Nadia Arab et Hélène Dang Vu
Schéma du cycle urbain de l’eau de la Métropole de Lyon.
Source : https://agence.eaudugrandlyon.com/cycle-eau.aspx
Un commentaire
Manoua
7 juillet 2023 à 13h40
C’est inspirant de voir comment la ville met en œuvre des stratégies innovantes pour assurer une utilisation durable de cette ressource précieuse.