Peut-on « rendre » à la nature des parcelles de terre jusque-là exploitées, pour le bienfait de la faune et de la flore ? Sera-t-on capable d’atteindre 10 % de « réensauvagement », comme le fixent les objectifs européens ? À l’échelle de la France, le défi semble de taille. Mais des écologues et des naturalistes ont pris la question en main.
« Réensauvager », « développer la libre évolution » de la nature…, derrière ces termes se cache avant tout une volonté de mieux partager la nature avec les autres espèces, et de laisser à la faune et à la flore la possibilité de se déployer sans contrainte ni « guide » extérieur.
Mais comment définir le terme de « libre évolution » ? Selon l’ONG Wild Europe, « un espace en libre évolution est une zone gouvernée par des processus naturels. Il est non, ou peu, modifié et sans activité humaine intrusive ou extractive, habitat permanent, infrastructure ou perturbation visuelle ». Toutefois, « il n’existe pas de définition communément partagée du terme “libre évolution” », précise Guillaume Porcheron, auteur de l’ouvrage Réensauvager les territoires (Éditions du Moniteur).
Lui distingue une vision nord-américaine d’une vision européenne. Pour la première « où les grands espaces sont légion, il y a une volonté de revenir à une nature primitive, idéalisée, avant toute intervention humaine ». En revanche, sur le continent européen, « nous prenons en compte l’intervention humaine en considérant qu’elle est quasiment globale et que l’on ne peut pas revenir à une nature originelle. Nous prenons en compte la féralité [la dédomestication de la nature], pour rendre à son état naturel une terre qui a été entretenue. La vision européenne consiste donc à revenir à une nature la moins exposée aux pressions anthropiques, en tenant compte du contexte, pour retrouver un espace qui s’autogère comme l’a toujours fait la nature, sans extraction et sans prélèvement humain. Mais l’humain y a sa place, il peut s’y promener sans, bien sûr, chasser ni cueillir quoi que ce soit ».
Aucune définition juridique
Reste qu’il n’existe aucune définition juridique de ces termes. D’autres expressions sont même employées dans la sphère politique. En mai 2019, Emmanuel Macron déclarait vouloir atteindre 10 % de « pleine naturalité » d’ici à 2030. Un terme depuis remplacé par « en protection forte ». Une prudence langagière qui, du côté des spécialistes, laisse craindre des formes allégées de libre évolution, peu compatibles avec leurs propres définitions et objectifs visés.
La stratégie biodiversité de la France et de l’Union européenne pour 2020–2030 a entériné l’objectif de parvenir à 10 % de « pleine naturalité », selon le terme retenu. Un cap ambitieux, quand on découvre, selon les calculs et estimations réalisés par les écologues et associations du milieu, que la France se situerait plutôt à un niveau de 1,54 % de « protection forte » sur le territoire métropolitain.
Selon l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), cette proportion tomberait même à 0,6 %, une fois retirés les sites sur lesquels se pratiquent encore la chasse ou l’exploitation forestière. « Nous sommes très en retard par rapport à nos voisins, comme l’Italie, qui atteint déjà presque 10 %, et l’Allemagne, où certains lands ont aussi déjà atteint ce seuil », précisent Béatrice Kremer-Cochet et Gilbert Cochet, administrateurs de l’Aspas.
Marjolaine Koch
Une forêt non gérée dans les Pyrénées-Atlantiques.
© Animal Cross