Sous-considérées du fait de leur supposée trivialité, les mares sont pourtant de précieux puits de carbone et de véritables hotspots de biodiversité, pour une valeur écologique remarquable. En France, 90 % d’entre elles ont disparu au cours du XXe siècle, par abandon ou par comblement. Mais depuis une quinzaine d’années, ces petites zones humides retrouvent peu à peu la place qu’elles méritent dans les politiques de protection de l’environnement.
Il y a les légendaires, comme la « Mare au diable » de George Sand, dans le bois de Chanteloube ; celles qui enchantent et celles qui rebutent, quand bien même une mare aux fées rend autant de services écologiques qu’une mare aux sangsues ; d’autres encore que l’on gère parfaitement, comme les 3 000 mares anthropiques de la réserve naturelle nationale du Pinail, dans la Vienne. Et il y a les mares de notre enfance, créditées ou non de croyances, les rurales et les urbaines, les temporaires et les permanentes, les isolées et les connectées…
Des mares, on en compte aujourd’hui entre 600 000 et 1 million en France métropolitaine – soit une mare pour cent habitants, contre une pour dix au début du XXe siècle – et la quasi-totalité d’entre elles a été créée par l’être humain, essentiellement pour répondre aux besoins agricoles et domestiques. Ainsi, les mares sont-elles les témoins de notre rapport intime à l’eau. C’est l’être humain, encore, qui est à l’origine de leur disparition. L’arrivée de l’eau courante, la modernisation de l’agriculture, l’intensification de l’urbanisation – et de la périurbanisation en particulier – sont autant de raisons qui expliquent la dégradation rapide de ces petits écosystèmes aquatiques.
Inutiles, insignifiantes, insalubres même : pendant de nombreuses années, les mares ont payé le prix d’une méconnaissance totale jusqu’à tomber dans l’oubli. Il faudra attendre les années 2010 pour qu’elles fassent l’objet de mesures de protection concrètes de la part des pouvoirs publics, sous l’impulsion du monde scientifique. Grâce aux associations, régionales ou nationales – au premier rang desquelles figurent la Société nationale de protection de la nature (SNPN), ou encore le Groupe d’histoire des zones humides (GHZH) –, grâce aux observatoires et autres centres de recherche, ainsi qu’au réseau des conservatoires d’espaces naturels (CEN), les connaissances sur les bénéfices environnementaux, sociaux et culturels de ces petits lieux d’eau s’enrichissent et se répandent.
Les mares sont des alliées de choix pour lutter contre les désordres du réchauffement climatique et leur contribution à la biodiversité est considérable : en France, elles occupent 0,005 % de la superficie du territoire métropolitain, et abritent 20 % des espèces animales et végétales d’intérêt patrimonial. Mais pour qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle écologique, il faut encore pouvoir en prendre soin, et avant cela, les trouver !
Où sont-elles, qui sont-elles ?
Leur dissémination dans les propriétés privées, leur petite taille et l’absence d’identité foncière rendent l’identification des mares ardue. Plutôt efficaces, les programmes de sciences participatives pour localiser les mares, souvent déployés à l’échelle régionale ou départementale, essaiment un peu partout en France. Pour développer son outil de recensement, le Groupe Mares des Hauts-de-France, créé en 2001, s’est largement inspiré du programme régional d’actions en faveur des mares de Normandie (Pram Normandie), une des régions les plus proactives en la matière.
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Julie Snasli
La mare de la Maison des forêts, à Saint-Étienne-du-Rouvray. Arrachage annuel de végétation pour permettre une meilleure diversité floristique. ©Métropole Rouen Normandie