Le programme POPSU a interrogé, dans le cadre de ses recherches-actions, les multiples relations des métropoles avec le patrimoine « eau » dans toutes ses dimensions. Illustrations à Bordeaux, avec une réflexion sur les conflits territoriaux « centre-périphérie » sur la ressource, et à Strasbourg, avec une perspective renouvelée de la relation « ville-port fluvial ».
Réinventer la relation ville-port : le cas de Strasbourg
Ville patrimoniale traversée par quatre cours d’eau dont le Rhin, Strasbourg accueille le deuxième port fluvial de France, première zone d’activité de la région Grand Est. Ouvert sur la ville, le port auto- nome de Strasbourg (PAS) fait de cette singularité un atout, tout en étant confronté à une pluralité de défis.
Port marchand puis industriel, successivement tourné vers le charbon et le pétrole, il constitue un nœud logistique ancien et une porte d’entrée régionale. En s’ouvrant sur le Rhin et se développant dans et autour de l’espace portuaire, la ville a restreint son accès aux infrastructures routières. Un défi d’accessibilité auquel s’ajoutent la rareté du foncier et de nouvelles exigences de durabilité. « Les ports sont devenus de véritables laboratoires d’invention », constate Frédéric Rossano, paysagiste urbaniste et maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg (Ensas). Centré sur la grande logistique et l’industrie lourde, le PAS se diversifie et s’ouvre à de nouveaux modes de fonctionnement plus résilients : mise en réseau des émetteurs de chaleur fatale, nouvelles logistiques fluviales urbaines, développement du dernier kilomètre à vélo. La multimodalité se dessine comme la porte de sortie la plus appropriée à ce modèle polluant du « tout-camion » qui renforcerait la compétitivité de ces gares fluviales et maritimes. Si l’idée d’un « port sec », un temps mis à l’étude, a été abandonnée en raison de la consommation de terres agricoles, les rails restent une option privilégiée par le port et, notamment, le raccordement au couloir ferroviaire allemand. Une diversification des transports essentielle face à la recrudescence des aléas climatiques, commente Frédéric Rossano avec pragmatisme : « Il y a des périodes de l’année où le port ne pourra plus compter sur la navigation. »
Un « port facilitateur et stratège »
Dans les années 1990, le port est confronté à un phénomène de déprise foncière simultanément à un boom immobilier dans la ville. Trente ans plus tard, la transformation d’anciennes friches industrielles en logements est toujours en cours. En 2023, la fin de l’expansion urbaine est annoncée et le port, à nouveau en pleine activité, ne peut s’étendre sur les réserves naturelles qui le bordent. Une problématique prise au sérieux par Bruno Steiner, architecte, paysagiste et urbaniste, maître de conférences au département architecture de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) Strasbourg : « [Le port] semble s’engager dans un schéma directeur d’urbanisme industriel, dans une logique de port stratège et facilitateur. » Sans pousser les murs, il poursuit son repositionnement régional, en basculant une partie de ses activités dans les ports de Lauterbourg et Marckolsheim, et développe des partenariats avec l’ambition de changer de posture : d’opérateur à agrégateur.
Maider Darricau
Photo : Le port autonome de Strasbourg © Olrat/Shutterstock