Lionel Rouillon, directeur du développement de Voies navigables de France (VNF), présente les enjeux pour ce réseau exceptionnel de 6 700 km dans un contexte de réchauffement climatique, ainsi que les riches perspectives de modernisation, de mutation et de développement pour accompagner les transitions en cours.
Comment fonctionne VNF et quelles sont ses missions ?
Voies navigables de France (VNF) est un établissement public de l’État en charge de la transition écologique dans le domaine fluvial. Il gère un réseau de 6 700 km de canaux, fleuves et rivières qui irriguent les territoires et répond à plusieurs usages : environnementaux, sociaux et économiques. Ses 4 000 agents régulent finement la ressource en eau dans l’intérêt général et le respect de l’environnement. VNF favorise la transition vers de nouveaux modèles économiques et écologiques – fret bas-carbone et tourisme durable – ainsi que le développement des activités sur et autour du fleuve.
Quels sont les défis auxquels votre établissement est confronté et comment y répond-il ?
L’eau que VNF gère n’est plus une ressource infinie et doit faire l’objet d’une gestion raisonnée et attentive, afin de permettre la continuité de ses différents usages sur le territoire. Inversement, le dérèglement climatique nous conduit à des situations exceptionnelles – et parfois dramatiques – de crues, qu’il nous faut savoir anticiper pour en minimiser les effets. Rappelons-nous les crues de 2021 en Belgique et en Allemagne, ou les basses eaux exceptionnelles sur le Danube et la partie allemande du Rhin en 2022. La France n’a pas eu à faire face aux mêmes impacts, en partie en raison d’évènements météorologiques moins violents, mais aussi de son système de gestion de l’eau. Nous devons néanmoins nous adapter et adapter nos infrastructures pour faire face à des épisodes climatiques plus violents et plus fréquents.
Quelle est votre vision des enjeux actuels autour de l’eau en France ?
Il ne faut pas oublier que les ouvrages fluviaux (écluses, barrages, digues, etc.) ont été conçus à l’origine pour la navigation, parfois il y a plusieurs centaines d’années. Notre principal défi est de renforcer ce réseau en pensant à l’avenir, à la préservation de la ressource, mais aussi des écosystèmes. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un vaste plan de rénovation et de modernisation qui concerne nos ouvrages, nos outils de pilotage et notre organisation, afin d’optimiser la gestion de l’eau pour mieux maîtriser les risques et garantir la fiabilité de nos ouvrages. C’est une évidence : notre réseau fluvial, qui préexiste à l’essentiel des aménagements urbains et des activités économiques, est de plus en plus directement confronté aux conséquences du dérèglement climatique. D’ici au milieu du siècle, les débits annuels moyens en France risquent de connaître des baisses marquées, pouvant aller de 10 % à 40 % selon les cours d’eau. Il ne faut plus attendre pour adapter nos pratiques, individuellement et collectivement.
Comment avez-vous géré la question du stress hydrique en 2022 ?
Alors que l’été 2022 a été particulièrement chaud, avec une sécheresse sévère, l’ensemble du réseau géré par VNF s’est montré résilient avec 85 % des voies restées ouvertes à la navigation. Dans le détail, la quasi-totalité des grandes voies fluviales (2 400 km) est restée ouverte (99 %, à l’exception de la Moselle amont), assurant l’ensemble des usages de l’eau. Sur le réseau, nous avons pu assurer des conditions normales de navigation aux acteurs opérant sur les activités de transport de marchandises, de croisières fluviales (paquebots) et de plaisance. Sur les petites rivières et canaux (4 300 km), dont l’activité touristique est au plus haut durant la période estivale, VNF a pu maintenir la navigation sur une grande majorité et anticiper les situations sensibles pour repositionner les acteurs touristiques sur des réseaux en activité. Au total, la sécheresse n’a eu que peu d’impact sur l’activité touristique qui a signé une très bonne année, supérieure à 2019, qui était déjà un bon cru.
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Propos recueillis par Anne-Catherine Ottevaere
Barrage de navigation à Auxerre permettant de maintenir le niveau d’eau. ©VNF