Christian Piel : « Il faut une ville qui remette à l’honneur ses sols »

Direc­teur de l’agence Urban­wa­ter, bureau d’études en hydro­lo­gie urbaine, appliquée à l’urbanisme et au pay­sage, Chris­tian Piel évoque son riche par­cours, ain­si que les évolutions actuelles en matière de ges­tion, trai­te­ment et réemploi de l’eau dans la ville.

Vous êtes géographe, urba­niste et hydro­logue. Com­ment votre par­cours vous a‑t-il conduit à por­ter ces trois casquettes ?

Je suis tout d’abord géographe, spécialisé en urba­nisme. En sor­tant de ma for­ma­tion, j’ai rejoint la Direc­tion de l’eau et de l’assainissement (DEA) de la Seine-Saint-Denis, qui est ges­tion­naire des réseaux d’assainissement du département. Ce ter­ri­toire très plat, et bordé de reliefs, s’est urba­nisé en par­tant de la Seine et s’est développé en s’en éloignant pro­gres­si­ve­ment. Si bien que, lorsqu’il pleut : premièrement, le ruis­sel­le­ment est de plus en plus impor­tant du fait de l’imperméabilisation des sols ; deuxièmement, il a du mal à rejoindre le fleuve par la faible pente ; troisièmement, il doit tran­si­ter via les zones urbanisées. C’est ain­si qu’au fur et à mesure de l’urbanisation, le ter­ri­toire est deve­nu de plus en plus vulnérable. Nous nous sommes alors appuyés sur les tra­vaux de l’hydrologue Ber­nard Cho­cat, mon­trant que la prévention des inon­da­tions ne doit pas rele­ver du domaine de l’assainissement, mais de celui de l’urbanisme.

C’est dans cette pers­pec­tive que la DEA a intégré un urba­niste, Thier­ry May­traud, qui a relayé avec talent et énergie cette approche, puis un second, moi-même. L’enjeu était de trou­ver les modes d’intervention sur les mécaniques urbaines, pour en finir avec cette vulnérabilité du ter­ri­toire. Nous sommes alors dans la première moi­tié des années 1990. La logique des ser­vices de l’assainissement était de mul­ti­plier les bas­sins de rétention, de les clôturer pour les sécuriser, du moins s’en don­ner l’illusion. Nous sommes par­tis du pos­tu­lat que ces ouvrages ne ser­vant que quelques heures par an, lors des pluies excep­tion­nelles, on pou­vait en faire d’autres usages le reste du temps. Nous avons ain­si développé la mul­ti­fonc­tion­na­lité des espaces urbains, en y asso­ciant une fonc­tion hydro­lo­gique. Thier­ry May­traud est resté à la DEA, et fut long­temps mon prin­ci­pal maître d’ouvrage. J’ai, quant à moi, créé le bureau d’études Com­po­sante Urbaine, deve­nu, en 2012, Urban­wa­ter, qui a conçu et mis en œuvre les pre­miers parcs inon­dables, ser­vant d’exemple pour ini­tier le chan­ge­ment des pra­tiques en Seine-Saint-Denis et, plus lar­ge­ment, en France.

En quoi vos connais­sances en géographie vous ont-elles ser­vi dans ce cadre ?

Thier­ry May­traud et moi venions de la géographie. Et l’eau est le révélateur de la géographie. On parle aujourd’hui de « solu­tions basées sur la nature », elles sont sou­vent fondées sur la géographie. C’est un prin­cipe que nous appli­quons à toutes les échelles, de la des­cente d’eau d’un abri de jar­din, à celle d’un PLUi [plan local d’urbanisme inter­com­mu­nal, NDLR].

Sur quoi tra­vailliez-vous au sein de Com­po­sante Urbaine ?

Nous avons développé des espaces urbains tem­po­rai­re­ment inon­dables, parc, par­king, cours d’école, ter­rain de sport, noues, etc. La loi sur l’eau commençait à impo­ser aux opérations d’aménagement de com­pen­ser leur impact sur le cycle de l’eau en prévoyant des bas­sins de rétention. Or, le sec­teur privé, plus encore que le public, ne savait pas com­ment répondre à cette contrainte nou­velle ; ils confiaient ce problème à leur bureau VRD [voi­rie réseaux divers], qui pro­po­sait des solu­tions de génie civil, essen­tiel­le­ment des ouvrages enterrés, qui rapi­de­ment se col­ma­taient et dys­fonc­tion­naient. C’est ain­si que Com­po­sante Urbaine s’est vue sollicitée de plus en plus, pour des rai­sons tech­niques et économiques; l’inondabilité d’un espace vert coûtant moins cher qu’une cuve enterrée. Com­po­sante Urbaine s’est agran­die, asso­ciant des hydro­logues, des pay­sa­gistes et des archi­tectes pour développer ces solu­tions nou­velles, mêlant eau et urbanisme.

 

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Pro­pos recueillis par Rodolphe Casso

© Simon Guesdon

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