Submersion et inondation : Miquelon prépare ses cartons

Face à la montée du niveau de la mer, la com­mune de Mique­lon, située au large du Cana­da, a entamé un pro­ces­sus de concer­ta­tion inédit entre État, collectivités et habi­tants. Objec­tif : bâtir le nou­veau vil­lage sur un site moins exposé.

Sep­tembre 2022. L’ouragan Fio­na en pro­ve­nance de la Gua­de­loupe et des Ber­mudes pro­gresse en direc­tion de l’Atlantique Nord. Alors qu’il passe à 200 km à l’ouest de Saint-Pierre-et-Mique­lon, pluies tor­ren­tielles et vents vio­lents s’abattent sur l’archipel. Cer­taines vagues atteignent jusqu’à 18 m de hau­teur. Trois ans plus tôt, un oura­gan avait déjà généré une très forte houle cyclo­nique et pro­voqué de nom­breux dégâts. Depuis quelques années, les risques de sub­mer­sions et d’inondations se mul­ti­plient et menacent le vil­lage de Mique­lon et ses 600 habi­tants. L’isthme de sable qui relie cette par­tie de l’île – 110 km² de super­fi­cie – à Lan­glade – 91 km² – s’érode dan­ge­reu­se­ment à chaque tempête, frac­tu­rant régulièrement la route atte­nante. « La fréquence des intempéries et leur inten­sité ne cessent de croître, constate Franck Det­che­ver­ry, maire de Mique­lon-Lan­glade. Avec le réchauffement, la barrière de glace qui protégeait le trait de côte et le vil­lage l’hiver a presque dis­pa­ru, et le cor­don lit­to­ral subit une érosion éolienne et marine galopante. »

Qui plus est, ce ter­ri­toire particulièrement isolé se situe dans une des régions du globe où la vitesse du chan­ge­ment cli­ma­tique est la plus bru­tale. Nombre de jours de grand froid et niveau d’enneigement dimi­nuent petit à petit. Dans leurs prévisions les moins opti­mistes, les experts estiment une poten­tielle élévation du niveau des océans de 30 cm à l’horizon 2050. Le vil­lage est donc particulièrement vulnérable. His­to­ri­que­ment com­posé de pêcheurs, ces der­niers se sont installés au plus près de l’eau. Au fil du temps, la popu­la­tion s’est regroupée sur un banc de galets en bord de mer de la presqu’île du Cap au nord de Mique­lon, à une alti­tude com­prise entre 0 et 3 m. Alors que le point culmi­nant de l’île atteint 250 m de hauteur.

 

Trans­for­mer l’île en ter­ri­toire exemplaire

Fin 2014, les risques liés aux conséquences du chan­ge­ment cli­ma­tique sont déjà considérés comme gra­vis­simes par les plus hautes autorités de l’État. En visite dans l’archipel, François Hol­lande, alors président de la République, évoque la montée des eaux et le risque d’une sub­mer­sion de la com­mune d’ici à qua­rante ou cin­quante ans. Pro­messe est alors faite aux Mique­lon­nais de trans­for­mer l’île en ter­ri­toire exem­plaire. Dans le cas contraire, si rien n’est fait pour endi­guer les effets du réchauffement, on prévient que Mique­lon court à la catas­trophe. Afin de dis­po­ser de données nécessaires à la réalisation d’un plan de prévention des risques lit­to­raux (PPRL), l’État et ses par­te­naires décident d’initier une démarche de modélisation à par­tir de la topo­gra­phie des zones les plus basses, des prévisions de mou­ve­ment du trait de côte ou de la hau­teur de la houle, des marées et de l’élévation de la croûte ter­restre. En envi­sa­geant les condi­tions les moins favo­rables, les experts par­viennent à établir une pro­jec­tion de ce que pour­rait être la situa­tion à terme : Mique­lon-Lan­glade recom­posé en trois îles. La com­mune classée « zone à forts risques » est alors envisagée comme poten­tiel­le­ment incons­truc­tible sur une grande par­tie de sa super­fi­cie. « C’est à cette époque que la ques­tion du déplacement du vil­lage vers un site moins exposé com­mence à être évoquée, se sou­vient Franck Det­che­ver­ry, qui n’est pas encore élu maire à l’époque. Les simu­la­tions présentées ont effrayé la popu­la­tion. Très en colère, les gens ont eu le sen­ti­ment que le constat était très exagéré. » En conséquence, habi­tants et élus marquent leur oppo­si­tion à la pers­pec­tive de PPRL. « Comme Annick Girar­din, secrétaire d’État à la fran­co­pho­nie et sur­tout ex-députée de l’archipel de Saint- Pierre-et-Mique­lon, accom­pagne Hol­lande, les habi­tants ont ima­giné que l’ex‑élue locale était res­pon­sable de ce plan, pour­suit le maire. Ils ont cru que l’île avait été choi­sie pour ser­vir de cobaye avant d’initier d’autres démarches simi­laires en métropole. » Et sur­tout, ils ima­ginent que le PPRL allait blo­quer toute pos­si­bi­lité d’installation de pri­mo-arri­vants dans la petite com­mune située à 4 500 km de l’Hexagone et dont la démographie est vieillis­sante, faute de renou­vel­le­ment de la population.

Yves Deloi­son

Pho­to : Depuis quelques années, les risques de sub­mer­sion et d’i­non­da­tions se mul­ti­plient et menacent le vil­lage de Mique­lon, d’où la néces­si­té de le dépla­cer dans une zone d’im­plan­ta­tion (au fond à gauche). © asm_editions

 

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