Après avoir démontré qu’en architecture l’expérimentation est possible en initiant « le permis de faire », Patrick Bouchain a souhaité, avec l’aide de Paul Citron de Plateau Urbain et de son équipe et le soutien de l’État, expérimenter en urbanisme, à plus grande échelle.
Il a ainsi initié, en s’appuyant sur le triptyque élu/aménageur public ou privé/acteur, La Preuve par sept, une expérimentation sur 7 échelles de territoires allant du bourg à la petite métropole, sur des lieux en déshérence.
Les territoires oubliés, ceux du monde rural et des petites communes éloignées des dynamiques urbaines, représentent l’une des 7 échelles.
Ils sont en connivence avec l’engagement de Patrick Bouchain pour le « micro », qui, prenant ses sources dans le local, invente ses processus et nourrit le « macro ».
Pour y parvenir, il prône l’ancrage dans les lieux, la coproduction avec l’installation pour le temps de l’opération d’une « permanence territoriale » qui permet l’échange avec les habitants et tous les acteurs, dans un lieu ouvert où tout se passe, y compris les réunions techniques comme politiques, et où viennent les écoles, du primaire à l’enseignement supérieur, pour penser le mode d’aménagement souhaitable. Bien entendu, ce lieu permet de regrouper les associations « actrices » prêtes à se servir de ce territoire comme manifestation de leur volonté de participer à la chose construite.
L’objectif est de s’installer sur les territoires après avoir créé une alliance maire-aménageur-acteur local autour d’un sujet/projet, de se réunir pour l’examiner et le développer, et ainsi « démontrer en faisant que l’on est capable de créer une jurisprudence par l’acte réalisé ». Patrick Bouchain poursuit : « Toute l’architecture, tout l’aménagement est contextuel. Il ne peut pas être rationnel au niveau national. Il faut donc expérimenter, passer à l’acte et inventer la commande parce qu’elle ne peut pas s’exprimer ainsi. »
L’aménagement prend place dans un processus vivant. Il n’y a pas un avant aménagement et un après aménagement, mais une vie du territoire et de la ville que cet aménagement intègre. C’est ce concept qu’associe Plateau Urbain dans sa pratique de l’urbanisme transitoire, en réintroduisant le temps de vie dans l’aménagement. À Pérignat, l’un des territoires de La Preuve par 7, son maire,
Jean-Pierre Buche, raconte qu’il est parvenu à réhabiliter un vieux préfabriqué d’école en faisant la démonstration que c’était techniquement et qualitativement possible avec de la paille, de la terre et du bois, mais aussi à reconvertir un hangar en médiathèque, ou à hybrider réhabilitation et construction de maisons (avec Boris Bouchet).
Patrick Bouchain évoque à cet égard « le vernaculaire contemporain », qui lui paraît une piste essentielle à développer.
Pour Jean-Pierre Buche, s’installer dans le temps long est nécessaire. Et cela permet d’investir dans l’ingénierie territoriale, « pour faire en sorte qu’un projet de 5 millions d’euros d’investissement, dont nous pensions qu’il serait efficace, puisse être remis en cause dans les discussions et qu’un investissement moindre se révèle bien plus pérenne que le projet initial qui aurait été discuté trop rapidement ». Préserver et faire vivre les bourgs exige cette nouvelle approche :
L’empreinte que nous avons eue sur nos territoires, en y fabricant, en y vivant, témoigne en elle-même des limites du développement.
Ces expérimentations ont pour but de lever des obstacles à partir du travail de terrain, de produire des jurisprudences et de modifier les modes de faire.
Ce qui est singulier, c’est d’agir tout de suite lorsqu’il y a une opportunité, sans attendre que le projet soit pleinement défini.
Enfin, et surtout, cela n’impose pas des pratiques considérées comme vertueuses, mais part des dynamiques de terrain et d’un travail avec les acteurs en place pour inventer un projet toujours singulier et unique.
Ariella Masboungi
Projet de zone pilote d’habitat multisite, à Mur-es-Allier.© Boris Bouchet architectes