L’antifragilité, futur de l’urbanisme ?
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En s’appuyant sur le corpus développé par le statisticien et essayiste Nassim Nicholas Taleb, qui a théorisé le concept d’antifragilité, villes et territoires pourraient développer des stratégies d’aménagement et d’urbanisme leur permettant d’anticiper les effets de nombreux facteurs de risque, prévisibles ou non.

 

Le concept d’antifragilité a été introduit par Nassim Nicholas Taleb dans son livre Le Cygne noir, puis développé dans un second et volumineux ouvrage: Antifragile, Les bienfaits du désordre. L’auteur – NNT pour les initiés – est un statisticien et philosophe. Se définissant lui-même comme un épistémologue de l’aléatoire, il a embrassé pendant une vingtaine d’années une brillante carrière de trader spécialisé dans l’analyse du risque, avant de devenir professeur en ingénierie financière à l’université de New York et essayiste au succès planétaire.

Polyglotte (il a étudié et exercé en France), binational (libanais et américain), pédagogue bavard, NNT entre sur la scène des grands intellectuels contemporains en conceptualisant le « cygne noir », cet évènement imprévisible et, par nature statistique, improbable, qui, lorsqu’il advient, a des conséquences incommensurables.
Taleb a, dans un premier temps, appliqué cette théorie à la prise en compte du risque, et plus encore de l’incertitude dans le domaine économique et financier. Il l’a ensuite étendue avec brio à toute problématique globale à fort degré d’interdépendance, en un mot : systémique. De l’industrie à la géopolitique en passant par les rapports sociaux, il s’est appliqué à démontrer que face au risque et à l’incertitude, il n’existe foncièrement que trois types de systèmes : les systèmes fragiles, qui se détériorent (ou sont détruits) lorsqu’ils sont soumis à des perturbations imprévues; les systèmes robustes, qui sont de nature à résister aux perturbations (même les plus violentes) ; enfin, les systèmes anti-fragiles, qui s’améliorent lorsqu’ils y sont soumis.

Du point de vue de nombreux observateurs, il manquait à l’origine une brique à cette catégorisation : les systèmes résilients, qui sont détériorés par les perturbations, mais qui ont ou développent la capacité de revenir à leur état d’origine. Un commentaire balayé de la main par Taleb qui considère que certains systèmes fragiles et la plupart des systèmes robustes développent la résilience (qui ne peut caractériser un système). Par essence, les territoires, comme organisations, et les villes peuvent être appréhendées comme des systèmes. Une posture qui irrigue les travaux universitaires et la pratique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme dans le monde anglo-saxon et ses terrains d’influences (soit le monde entier, à l’exception de l’Europe continentale).

Cette pensée systémique n’a pas réussi à se développer en France, malgré le succès en librairie de Joël de Rosnay avec son Macroscope, paru en 1975, et le déploiement des travaux d’uni- versitaires, dont le plus célèbre est Roger Brunet, fondateur du GIP Reclus (groupement d’intérêt public Réseau d’étude des changements dans les localisations et les unités spatiales) et de la revue Mappemonde, au cours des années 1980. Sans aucun doute faut-il y voir une résistance du monde académique français aux concepts et approches venus d’outre-Atlantique. Car aux États-Unis, la systémique a irrigué les concepts et les pratiques depuis les années 1980, et notamment le New Urbanism, ce courant qui vise, en synthèse, à mieux prendre en compte l’environ- nement (en réduisant l’étalement urbain) tout en préservant une échelle urbaine (densité, hauteur) soutenable pour les habitants.

Lire la suite dans le numéro 430

Julien Meyrignac 

©Corona Borealis Studio/Shutterstock

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