Les transitions environnementales ne peuvent pas être réduites à des questions de process et de normes. De nombreuses voix s’élèvent depuis des années déjà sur la nécessité de reconsidérer en profondeur la nature des besoins humains – collectifs et individuels –, avant même de définir la soutenabilité des projets visant à leur satisfaction. En matière de logement, quelques questions simples peuvent inciter à renverser la table.
S’il est acquis que les enjeux de la très nécessaire prise en compte des défis environnementaux et climatiques sont désormais bien intégrés dans les politiques et la pratique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, il semble encore nécessaire de revenir sur les motifs fondamentaux de ces défis.
La grande absente des process destinés à satisfaire les normes environnementales, ou à obtenir un label de performance environnementale, est toujours – malgré les références au pilier social et au pilier économique du développement durable – la dimension humaine. Dans la recherche de sobriété globale, il est établi que sa prise en compte se limite le plus souvent à la définition et la réduction des impacts de l’activité humaine sur les écosystèmes, et ne porte que très rarement sur une approche renouvelée de la qualification et de la quantification des besoins humains afin de traiter le problème à la source.
Cela n’est en rien surprenant pour au moins deux raisons : la première est que l’urgence des défis environnementaux et climatiques impose de traiter en priorité les conséquences de la satisfaction de ces besoins (et les ultimes maillons de la chaîne de causalité), plutôt que les besoins eux-mêmes ; la seconde est que la (re)définition des besoins humains au prisme de la durabilité exigerait un vaste débat de société (dont il est bien difficile d’imaginer qu’il puisse se tenir), et nécessite une lente acculturation. Au cœur de ce débat se trouve la problématique du logement. L’habitat, le logement, et ses fonctions et fonctionnalités attendues au prisme de l’évolution des modes vies, d’un nouveau rapport au vivant, au sol, au temps, des nouvelles structures sociales et notamment familiales, de l’organisation du travail, etc. Or, l’immense majorité des logements livrés aujourd’hui est conçue pour répondre à des organisations sociales et besoins humains d’une autre époque, peu préoccupée par les milieux naturels, la sobriété foncière et énergétique; il semble pourtant évident que la prise en compte à la racine des besoins contemporains apporterait – en elle-même – une réponse substantielle aux défis écologiques.
Notamment, si elle s’attaquait au mal-logement, qui concerne encore – en 2022 – des millions de ménages, qui n’est pas qu’un scandale social, mais également un enjeu écologique majeur, car le mal-logement a des impacts désastreux en la matière.
Julien Meyrignac
Crédit photo : Le projet de parc tertiaire “Arboretum” — WO2