Lorsque les crises réinventent le logement

Initiative conjointe du ministère chargé du Logement et du ministère de la Culture, l’appel à manifestation d’intérêt, « Engagés pour la qualité du logement de demain », a distingué, le 10 mars dernier, 97 projets lauréats, dont 20 bénéficieront d’une incubation spécifique. Retour sur cette approche novatrice et expérimentale, qui, en faisant appel aux génies constructifs locaux, se veut un laboratoire national pour réinventer les paradigmes du logement.

 

La mul­ti­pli­ca­tion des crises contem­po­raines a créé un mou­ve­ment de bas­cule qui inter­roge les manières de conce­voir le loge­ment. La plus récente d’entre elles, la crise ukrai­nienne, se matérialise par la des­truc­tion d’établissements humains, du patri­moine bâti, et, plus glo­ba­le­ment, des strates, des couches tem­po­relles qui consti­tuent les villes de Khar­kiv, Mariou­pol ou Kiev. Déjà en 1938, Le Cor­bu­sier publiait son livre inti­tulé Des canons, des muni­tions ? Mer­ci ! Des logis… SVP. La guerre en Ukraine révèle aus­si la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement, notam­ment dans les matériaux de construc­tion, qui illustre la crise énergétique liée à ce conflit avec une aug­men­ta­tion des prix, signe de notre dépendance aux énergies fos­siles et preuve, s’il en est, de l’importance de la sobriété énergétique, de la rénovation ther­mique des bâtiments et de la qua­lité des constructions.

Car l’énergie la moins onéreuse reste celle que l’on ne consomme pas, et la récente loi du 22 août 2021, por­tant sur la lutte contre le dérèglement cli­ma­tique et le ren­for­ce­ment de la résilience face à ses effets, dite loi cli­mat et résilience, a per­mis des avancées dans ce domaine, en réponse notam­ment aux pas­soires ther­miques. La tragédie ukrai­nienne s’ajoute à la crise sani­taire du Covid-19, qui a démontré, par les différents épisodes des confi­ne­ments et les effets de pro­mis­cuité dans cer­tains types d’habitat, la nécessité de pen­ser le confort spa­tial du loge­ment – notion mise en avant, en 2021, dans le rap­port de Laurent Giro­met­ti et de François Leclercq (lire p. 13). Et ce, d’autant plus quand le loge­ment, cel­lule de vie des ménages, est amené à rem­plir d’autres fonc­tions que celle de la résidence. La réhabilitation du modèle du pavillon, ain­si que les choix résidentiels en faveur d’une plus grande proxi­mité à la nature (du jar­din pri­va­tif aux aménités envi­ron­ne­men­tales et paysagères), sou­li­gnant l’importance des espaces extérieurs, bous­culent les cer­ti­tudes liées à la qua­lité du loge­ment. Tous ces constats ont été rappelés à la publi­ca­tion du rap­port du groupe de tra­vail sur la qua­lité des loge­ments sociaux, mené en 2020 et piloté par Pierre-René Lemas, qui réaffirme for­te­ment l’enjeu de l’habitabilité.

 

L’enjeu du XXIe siècle

La crise cli­ma­tique, trans­ver­sale à ces per­tur­ba­tions, exige une ambi­tion forte en termes de réduction de la consom­ma­tion des terres, d’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés, pour faire mieux avec moins, selon l’heureuse for­mule de Phi­lippe Madec [lire Urba­nisme, n° 417, p. 54–55, NDLR]. Cette dimen­sion systémique des crises qui nous plonge dans un régime d’incer- titude per­ma­nent affecte nos besoins pri­maires dont celui de se loger, miroir de nos modes de vie. Loge­ment et crise semblent donc irrémédiablement reliés ; cette « mar­chan­dise impos­sible », pour reprendre les mots de Chris­tian Topa­lov, est l’objet d’une crise protéiforme depuis la fin du XIXe siècle en termes de qua­lité du parc de loge­ment, d’accès et de per­for­mances de la construc­tion neuve. Sa résilience pose néanmoins ques­tion, au-delà des poli­tiques publiques du loge­ment et du seul sec­teur de la construc­tion, pour anti­ci­per d’autres sou­bre­sauts conjonc­tu­rels. En sub­stance, si l’enjeu du XXe siècle a été de don­ner corps à ce que l’on entend par le loge­ment col­lec­tif comme le rap­pelle Jacques Lucan1, l’enjeu au tour­nant du XXIe siècle a été celui de la concep­tion de loge­ments à coût maîtrisé, répondant à l’impératif de la tran­si­tion écologique.

Jean-Bap­tiste Marie

Cré­dit Pho­to : Ros­ny-sous-Bois, “Moins détruire, les outils de la répa­ra­tion” Equipe de pro­jet : Ville de Ros­ny-sous-Bois, Coal­lia Habi­tat, Canal Architecture

 

 

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