Les données – dont la production augmente constamment – permettent de représenter le monde sous toutes ses formes. Associées aux capacités de modélisation des outils informatiques, elles sont la base de la création de jumeaux numériques des territoires offrant de nouvelles possibilités d’analyse, de compréhension et de projection pour les urbanistes.
Dans les années 1970, des chercheurs imaginent un concept méthodologique couplant les sciences humaines de la géographie à celles de l’urbanisme et de l’aménagement des territoires : le GeoDesign est né ! Dans son sillage, avec l’émergence des ordinateurs dans les universités, sont apparus les systèmes d’information géographique (SIG). Composé de couches de données, un SIG forme une carte numérique servant l’analyse spatiale. Depuis leur création, les SIG ont connu une évolution considérable tant sur le spectre fonctionnel couvert que sur la nature des données ingérables ou sur les publics adressés. D’une part, l’accès à un catalogue de données toujours plus vaste est considérablement facilité. D’autre part, la capacité des SIG à ingérer, traiter, valoriser et partager ces données impacte fortement leur usage historique au sein des organisations en charge de l’urbanisme, ainsi que leurs métiers.
Cette évolution s’accélère et bénéficie directement aux territoires concernés, en les aidant à relever les défis de la transition. Surtout, le SIG est un outil de langage universel, permettant une collaboration accrue à l’échelle territoriale et internationale. De plus, grâce à ce langage commun, l’approche géographique permet la collaboration entre tous les acteurs concernés. La carte est intégratrice des connaissances scientifiques non seulement par leur juxtaposition sur un même territoire, mais également par l’analyse croisée de ces connaissances.
Le SIG abstrait la géographie grâce à ses capacités d’intégration des données d’analyse, de modélisation et de restitution. Il per- met de percevoir et de comprendre ce qui n’est pas forcément visible dans de la donnée brute : « See what others can’t » ! Il rassemble toutes les données, quel que soit leur type. Il les intègre, et lorsqu’elles ne sont pas nativement géographiques, il les projette sur le territoire en leur octroyant cette dimension géographique.
Il les gère, offre des outils d’analyse et de représentation de celles-ci. Il modélise des phénomènes à partir des données elles-mêmes et offre des capacités de simulation. Le SIG est un cadre qui permet d’analyser les relations entre les phénomènes, de les modéliser et de créer des représentations virtuelles du monde réel, et de comprendre le présent tout en facilitant la conception et la planification de l’avenir. C’est un fabuleux outil de compréhension et d’aide à la décision qui favorise le passage à l’action.
Si l’on admet qu’un jumeau numérique peut être défini comme un modèle virtuel conçu pour refléter fidèlement un objet physique, alors le SIG est l’outil permettant aux urbanistes de construire le jumeau numérique de leur territoire. Il donne la possibilité de représenter virtuellement le monde réel, en 2D, 3D ou 4D, sur tout ou partie de ses dimensions physiques et/ou humaines et de modéliser leurs objets d’étude. Le jumeau numérique tire parti des plateformes territoriales de données, en ce sens qu’elles facilitent l’accès à un panel élargi de données sur le territoire. L’urbaniste est un utilisateur très souvent aguerri du SIG et de la cartographie. L’évolution des technologies, combinée à la révolution des données, transforme et étend profondément les usages du SIG par les urbanistes.
Révolution de la data
L’analyse d’une image satellite permet d’identifier un déficit hydrique des parcs et végétaux urbains utiles à la lutte contre les îlots de chaleur, de détecter automatiquement l’évolution de l’occupation du sol, ou encore d’évaluer la propagation de pollutions fluviales ou maritimes, induites par l’augmentation des températures. Cet exemple montre comment une donnée brute, imagerie satellite constituée de pixels, produit, après analyse, de l’information pour l’aide à la conduite de politiques territoriales.
Aujourd’hui, à l’instar d’Etalab à l’échelle nationale, se dessinent dans les territoires des services publics locaux de la donnée (SPLD), visant à orchestrer, à l’échelle d’un territoire, le partage, la diffusion et les usages des données. Les collectivités territoriales et leurs partenaires portent une responsabilité particulière dans la mise en œuvre des politiques territoriales des données et leurs usages. L’usage de celles-ci ouvre, en effet, la perspective d’une transformation profonde de l’action publique. L’enjeu est de mettre les données au service de l’action publique, notamment en matière d’urbanisme.
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David Jonglez
« Le projet Iclus modélise, à l’échelle des États-Unis, l’évolution de la démographie et de l’occupation des sols à 2100 afin de mieux quantifier l’impact du changement climatique. » © Projet Iclus