Du plan de Nolli aux vues numériques de nos applications, le regard porté vient toujours d’en haut. Pour rendre la ville davantage proche des usages quotidiens de ses habitants, la vision doit évoluer et venir du sol.
Pour analyser et projeter les villes, on les dessine vues d’en haut, en plan de masse. Seuls les archéologues les montrent telles qu’ils les découvrent, au niveau des fondations des rez-de-chaussée qui ont survécu à l’épreuve du temps. On pourrait aussi évoquer les promoteurs et les agents immobiliers, qui vendent sur « plan » pour faire comprendre la distribution et les surfaces des pièces, mais aussi les plans de sécurité incendie des pompiers affichés dans les lieux publics qui affichent le niveau des sols pour indiquer les sorties d’urgence.
L’arrivée du numérique n’a pas changé ces visions surplombantes. Google Street View permet une visualisation depuis une voiture circulant dans l’axe de la chaussée, mais cela reste une vision très éloignée des usages quotidiens du piéton, de l’habitant ou du cycliste.
Ainsi, on partira de l’hypothèse que si l’on veut évoluer vers une ville plus « marchable », plus cyclable et plus hospitalière, il fau- dra regarder et représenter la ville autrement, au niveau de ce que nous appelons « le rez-de-ville ». Cela nécessite de penser « itinéraires » et non « périmètres », « catégories de tissu urbain » et non « façades ». Pour produire ce qu’il manque à la ville des aménageurs, il faut construire une pensée et des méthodes pour agir sur l’ensemble des sols et pas seulement sur le rez-de-chaus- sée de bâtiments opaques, stériles et barricadés.
Mais comment représenter cette ville du sol et de ses usages de manière à en faire un outil de planification et de projet ?
David Mangin et Soraya Boudjenane
© Rez-de-ville. La dimension cachée du projet urbain, Paris, Éditions de La Villette, 2023. Avec l’aimable autorisation des Éditions de La Villette, Paris.