Si l’intention initiale de l’objectif « zéro artificialisation nette » est parfaitement légitime, force est de constater qu’auprès de certains élus son objectif est sujet à adaptation, réécriture, voire, à une remise en cause au cœur des territoires. Alors, le ZAN est-il une voie sans issue ou une démarche d’avenir ?
La loi climat et résilience a été votée, il y a déjà plus de deux ans. En 2021, les acteurs de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme étaient confiants, l’urbanisme circulaire était en haut de l’affiche et nous n’étions que quelques-uns à être considérés comme porteurs d’un discours négatif lorsque nous alertions sur les risques d’une application seulement comptable du principe.
Dans un article publié en septembre 2021, « Repensons nos territoires sous le prisme de la sobriété foncière », nous indiquions ceci : « Les discussions autour du “zéro artificialisation nette” (ZAN) laissent entendre que les territoires sont prêts et qu’ils regorgent de projets sobres foncièrement. […] Nous sommes convaincus que cette nouvelle règle, légitime à bien des égards, implique de revoir notre projet de société autour de la sobriété territoriale. […] Changer de projet de société nécessite de le faire collectivement, par un accompagnement pédagogique des élus en premier lieu, mais également de l’ensemble des parties prenantes: habitants, pro- priétaires fonciers, agriculteurs […] Certes, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a inscrit dans ses 150 mesures l’objectif de “zéro artificialisation nette”, mais cela ne signifie pas que la société est, à ce stade, prête à un développement territorial plus sobre ; les différentes réunions et enquêtes publiques des documents d’urbanisme nous en donnent la preuve régulièrement. […] Les élus locaux vont donc devoir expliquer la nouvelle réglementation et prendre à leur compte la pédagogie nécessaire dans la mesure où ils feront face à des sollicitations, voire à des recours contentieux sur leurs documents d’urbanisme et devront assurer en quelque sorte de faire le service après‑vente de cette loi. »
Nous n’avons donc pas été étonnés de constater, après la publication des décrets, la montée au créneau de certains élus pour adapter, réécrire, voire, plus récemment, remettre en cause le ZAN. Il semble important à ce stade de rappeler la parfaite légitimité de l’intention initiale. La France connaît un recul rapide de la biodiversité, largement attribuable aux activités humaines, aux premiers rangs desquelles, l’agriculture intensive et l’urbanisation. Elle est le pays européen le plus urbanisé par habitant et l’artificialisation croissante, voire exponentielle des sols, n’est pas toujours synonyme d’attractivité et de gain de population. En parallèle de cette urbanisation, des phénomènes corrélés sont constatés: augmentation de la vacance, dévitalisation des centralités, augmentation des friches au sein des zones d’activité et commerciales… Enfin, des enjeux de souveraineté alimentaire se posent, questionnant le rapport au territoire et à l’utilisation du foncier. C’est à l’aune de ces enjeux et de ces constats que le ZAN a été défini, mais cela nécessite de conceptualiser et mettre en œuvre un nouvel aménagement des territoires.
Éviter l’impasse
À l’heure où certaines voix n’hésitent pas à remettre en cause le ZAN, il nous semble indispensable de démontrer à tous les territoires qu’ils ont une page à écrire au sein de ce nouveau paradigme, qu’une trajectoire positive est possible pour chaque territoire, à condition de remettre le projet au cœur de l’aménagement territorial et de sortir du pilotage chiffré de l’urbanisme. La sobriété foncière impose une nouvelle vision et de nouvelles méthodes pour fabriquer la ville et les villages. Sa mise en œuvre opérationnelle doit être accompagnée par des outils et une fiscalité qui favorisent le renouvellement urbain, le réinvestissement de la vacance et des friches, ou encore la renaturation pour assurer la sortie de projets aux bilans économiques plus qu’incertains.
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Timothée Hubscher
Vue aérienne du territoire de la communauté de communes Lomagne Tarn et Garonnaise. Source : Page Facebook de la CC Lomagne Tarn et Garonnaise