Les carrières, espaces d’extraction de matériaux – gravières et sablières dans les lits des cours d’eaux, et fronts de taille de roches massives –, sont des espaces artificialisés offerts au renouvellement et au recyclage urbain.
Jusque très récemment, les enjeux relatifs à la transformation, reconquête ou reconversion des carrières au terme de leur période d’exploitation concernaient principalement des projets paysagers et de renaturation. Il s’agissait, dans l’esprit du légis- lateur et des acteurs publics, de rendre ces espaces à leur « état de nature » initial. Aujourd’hui, les enjeux de limitation de l’artificialisation des sols nécessitent d’envisager ces espaces avec un regard neuf. Souvent éloignés des quartiers des villes – des espaces résidentiels ou économiques –, afin de limiter l’exposition des biens et des personnes aux nuisances produites par l’extraction de matériaux (bruit, vibrations liées aux brise-roches, poussière, trafic routier de poids lourds, etc.), certains sites de carrières ont vu les espaces urbains peu à peu se rapprocher et même parfois les englober.
Quelques-uns de ces sites n’ont disposé ou ne disposent que d’infrastructures sommaires destinées à permettre l’exploitation : large route en stabilisé, Algeco, transformateur électrique provisoire, etc. Mais la majeure partie d’entre eux bénéficie d’infrastructures de qualité: voirie d’accès, embranchement rail, halte fluviale, adduction d’eau potable et grise, assainissement des eaux usées et pluviales, etc. Outre l’artificialisation des sols produite par l’activité d’extraction, la présence de ces équipements justifie, à elle seule, la mise en œuvre de projets de valorisation urbaine de toute nature : résidentiels, économiques et commerciaux, industriels, grands équipements publics ou d’intérêt général.
La reconversion de ces sites nécessite, bien entendu, une attention particulière en matière d’environnement, qu’il s’agisse de réparer les désordres liés à l’activité d’extraction ou de tirer parti de la configuration propice des sites pour le développement d’équipements de production des énergies renouvelables, d’opérations de renaturation, de reconquête paysagère ou même agricole. Cependant, valoriser les potentiels de ces sites se heurte souvent aux règles d’urbanisme édictées dans les documents de planification – schéma de cohérence territoriale (SCoT) et plan local d’urbanisme (PLU) –, ainsi qu’aux contraintes liées à leur statut particulier d’établissement industriel et d’installation classée.
Leur localisation en discontinuité des espaces urbanisés existants est problématique à bien des égards. Réglementairement, en premier lieu, pour les communes littorales ou de montagne concernées par des dispositions interdisant ou conditionnant fortement les développements urbains discontinus. Mais aussi, techniquement et financièrement, du fait des nécessaires investissements à réaliser en matière d’équipement (voirie, réseaux, éclairage, etc.) et des coûts de fonctionnement induits (desserte en transports en commun, ramassage scolaire, etc.).
Un fort potentiel de transformation
La création et l’exploitation des carrières sont encadrées par un schéma régional des carrières (SRC), qui identifie les gisements et établit l’opportunité des ouvertures en fonction des besoins, et réglementées par le Code de l’environnement et la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui définit, sous la rubrique 2510, les conditions dans lesquelles elles peuvent être exploitées. Il s’agit, bien entendu, de maîtriser tous les impacts de l’activité d’extraction : risques de pollution (notamment des aquifères), atteintes aux milieux et aux espèces (faune et flore), bruit, poussière, conséquences paysagères, etc. Les autorisations de création et d’exploitation définissent précisément les conditions d’exercice et les modalités de leur fermeture. Si les sites de carrières d’extraction désaffectés sont le plus fréquemment reconvertis en espaces verts et parcs – de la zone naturelle préservée aux espaces de loisirs ouverts au public –, ils recèlent aussi un fort potentiel de transformation, en termes de développement urbain. Ils peuvent accueillir des activités industrielles ou logistiques à la recherche de vastes terrains plans bien desservis (notamment la desserte de poids lourds), éloignés des zones habitées, et sans exigence particulière en termes d’aménités et de cadre urbain. Ils peuvent également accueillir des activités commerciales de toute nature et dimension, de l’hypermarché au mall [centre commercial, ndlr], à condition de desservir une bonne zone de chalandise et de bénéficier d’excellents accès routiers.
Julien Meyrignac
Les dômes du « Eden Project », construits sur une ancienne carrière de kaolin, au Royaume-Uni, abritent des jardins botaniques qui recréent des écosystèmes tropicaux et méditerranéens.©Benjamin Elliott/Unsplash