On parle fréquemment de réhabiliter des friches industrielles et urbaines pour la mise en culture, avec du maraîchage ou du pâturage. Mais les terres inexploitées en zones rurale ou périurbaine sont aussi à considérer, tout comme d’anciens bâtiments agricoles, dont les usages sont amenés à évoluer. Un vrai potentiel pour les territoires. Témoignages.
Pierre et Rémi Janin, respectivement architecte et paysagiste, ont été à bonne école. Issus d’une famille d’agriculteurs dans une ferme traditionnelle en polyculture‑élevage, à Vernand (Loire), leurs parents « ont toujours été précurseurs et se sont très rapide- ment engagés dans la vente directe et en production bio sur l’exploitation, dès les années 1990 ». Ils étaient, à l’époque, considérés comme des « originaux » par leur entourage. Les deux frères ont créé l’atelier Fabriques, en 2007. Rémi a poursuivi l’activité agricole de la ferme familiale et Pierre a développé son métier de maître d’œuvre, accompagnant notamment la reconversion de sites et du bâti agricoles. Si l’agence a déplacé son siège à Lyon – question de recrutement – et emploie aujourd’hui 15 personnes, les deux frères sont très impliqués sur des sujets de rénovation de sites agricoles.
« Des communautés de communes font appel à nous pour reconsidérer des sites à l’abandon ou en reconversion, et toujours par le biais de la commande publique, explique Pierre. Nous avons, par exemple, rénové un ensemble de dix bâtiments d’élevage en Haute-Maurienne, sur la commune de Courcins. Et maintenant, nous travaillons sur des espaces et friches métropolitains. » Le sujet a considérablement évolué, et particulièrement depuis la crise du Covid. « Les collectivités reconsidèrent aujourd’hui ce patrimoine qui avait été délaissé, il y a une dizaine d’années. »
L’agence a aussi travaillé sur une ancienne porcherie industrielle dans la Drôme. « Nous avons dû complètement repenser et reconfigurer le site, en l’adaptant à de nouvelles pratiques maraîchères, notamment. Nous avons cherché à remettre en production des sols artificialisés. Nous avons aussi introduit de l’agroforesterie et transformé une partie des anciens bâtiments d’élevage en atelier de conditionnement et transformation des légumes. » L’exploitation accueille désormais cinq agriculteurs en groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec).
Il a fallu aussi s’appuyer sur l’histoire de la ferme et son passé pour concevoir le nouveau projet. Les acteurs de l’aménagement des territoires sont amenés à relever différents défis parmi lesquels l’adaptation aux changements climatiques, l’amélioration de la souveraineté alimentaire, le maintien de la biodiversité et d’un cadre de vie sain et sécurisé. Et dans cette optique, les friches et le bâti agricoles sont souvent amenés à évoluer vers de nouveaux usages.
Identifier, classer et cartographier
L’identification des friches agricoles est une question complexe, pour laquelle plusieurs stratégies d’inventaire ont successivement été menées par un nombre restreint de DDT (direction départementale des territoires) et par la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), avec des résultats disparates. Nicolas Agresti, directeur du service Études, veille et prospective à la Fédération nationale des Safer (FNSafer), détaille : « En zone rurale, nous distinguons trois types de friches. Le premier est en secteur difficile, souvent en zone de montagne, où l’agriculture se retire. Les espaces se ferment et se boisent. Le second concerne des secteurs liés à la rétention foncière, souvent en zone périurbaine. Ici, les propriétaires attentent souvent que le terrain soit classé en zone constructible. Enfin, le troisième, ce sont les terrains impropres à l’agriculture, des zones de remblai, avec des matériaux inertes ou des terrains qui ont abrité des décharges. »
Claire Nioncel
En préservant la Ferme des Tournelles, Chailly-en-Bière redynamise son centre-village. Perspective et photo : SEM Pays de Fontainebleau