Si les enjeux écologiques sont, en théorie, pleinement intégrés par les urbanistes et les porteurs de projets, les spécialistes de l’écologie et de la préservation de l’environnement déplorent toujours un manque d’écoute et de mise en pratique de leurs recommandations.
En 2024, les questions environnementales et la nécessité de les incorporer à la fabrique de la ville et l’aménagement des territoires ne sont plus discutés. Le Giec en est à son 6e rapport, la France s’est dotée d’un ministère de la Transition écologique, les médias font état des effets du réchauffement climatique – inondations, sécheresses, canicules, mégafeux, retrait du trait de côte – qui infusent toujours plus dans l’opinion publique. Chez les urbanistes, aucun congrès, colloque, webinaire, aucune table ronde ne se place en dehors des défis environnementaux et climatiques, mais au-delà des constats, dans quelle mesure l’écologie redirige-t-elle la pratique de ceux qui font la ville ?
Chez France Nature Environnement (FNE), qui fédère plus de 6200 associations de protection de la nature en métropole et outre-mer, si l’accélération des prises de conscience est bien là, une certaine inertie demeure. « On gagne des adhérents – ils sont actuellement plus de 900000 –, mais les gens, qui sont de plus en plus sensibilisés, comprennent de moins en moins pourquoi les décideurs tiennent à la fois un discours très ouvert à ces enjeux tout en prenant des décisions contradictoires », constate Geneviève Laferrère, pilote du réseau Territoires et mobilités durables chez FNE, et ingénieure ayant œuvré dans les domaines de l’urbanisme, l’habitat, et l’aménagement de voirie et d’espaces publics. « Ça bouge, oui, mais ne soyons pas naïfs : ceux qui sont en face de nous sont des élus et des collectivités qui, de bonne foi, restent dans une logique “pour sauver une école, je dois m’agrandir, donc je fais un lotissement”. » À ses côtés, Michel Jacod, pilote du réseau Aménagement durable, fédère les réflexions et les montées en compétences de l’association sur les sujets d’urbanisme.
En se formant à ces questions, après une carrière à l’Insee en tant que spécialiste de la démographie, il reconnaît avoir appris « la complexité des choses » lorsque l’on doit passer « des revendications individuelles à l’intérêt général ».
Échanger plus tôt
La participation aux consultations lors de l’élaboration ou la révision des documents d’urbanisme est une action « phare » de l’association, son objectif affiché étant de défendre autant que possible les intérêts environnementaux auprès des élus, des col- lectivités et des urbanistes en charge des projets. Un exercice qui, selon les représentants de FNE, souffre encore de trop de raccourcis. « Quand on travaille sur un SCoT, un PLU ou un PLUi, on pose d’abord le diagnostic, puis on aborde le projet à venir, et on le traduit enfin sur le plan foncier », schématise Michel Jacod, avant d’exposer les failles identifiées à chaque étape : « Sur le diagnostic, les choses sont posées un peu rapidement, c’est le moins que l’on puisse dire. Sur le projet, il faudrait expliciter de façon plus précise les moyens envisagés. À ce niveau-là, nous connaissons de grosses difficultés dans nos discussions avec les urbanistes. La plupart d’entre eux font le lien entre le diagnostic et le projet en s’appuyant sur les trois ou quatre chiffres qui se promènent. » Michel Jacod insiste sur ce point : « Nous avons besoin que les urbanistes nous expliquent mieux le projet qu’ils ont en tête, et en quoi il a des chances de pouvoir fonctionner. » Quant à la traduction foncière, l’écologue estime que le dialogue serait plus constructif s’il était engagé plus tôt. « Si on échangeait beaucoup plus en amont, nos associations pourraient faire valoir leur connaissance du terrain, qui est souvent très impressionnante. »
Rodolphe Casso
© Renaud Dessade
Face à l’étang de Berre, le projet d’aménagement « Nouvelle Rive », à Vitrolles, est cité par l’écologue Gérard Filippi comme exemplaire en matière de respect de la biodiversité. Pour Ecotonia, qui a travaillé avec Altarea Cogedim et l’agence Paysage Ingénierie Conseils sur ce site en bordure de deux zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff ), « les aménagements paysagers ont été pensés et conçus dans la vision intégratrice de corridors pour la faune mobile créant des interrelations entre les espaces avoisinants et le monde du vivant ».