La promotion immobilière n’est pas un domaine de prédilection chez les urbanistes. La faute aux malentendus et corporatismes mis à bas par les défis de l’époque. Et si les urbanistes investissaient massivement la ville qui se construit ?
Morgan Vallet et Igor Fléchard sont urbanistes et ils ont fondé la société de promotion immobilière Urba Actes. Pourtant, durant leur formation, ce domaine n’avait pas la cote chez les étudiants, Morgan Vallet compris : « Je me disais que je n’irais jamais chez un promoteur. J’étais utopiste comme la plupart des étudiants, persuadé – à tort – que ce n’était pas la place la mieux indiquée pour fabriquer la ville. »
Un sentiment renforcé par le fait que les urbanistes ne sont jamais sensibilisés aux métiers de la promotion durant leur parcours universitaire et ne se sentent pas légitimes d’y œuvrer.
Pourtant, les deux associés ont commencé leur carrière chez le bailleur social Logirep, avant de rejoindre la promotion immobi- lière, respectivement chez Kaufman & Broad et Atland. Ces deux expériences « différentes, mais complémentaires », comme le souligne Igor Fléchard, leur permettent de faire leurs armes dans les deux grands domaines de la promotion où l’on retrouve le plus souvent les urbanistes : le développement et la programmation. Mais ils ont dû jouer des coudes pour légitimer leur formation – « un titre assez généraliste, plutôt associé aux sociétés d’aménagement », comme le rappelle Igor Fléchard – et affirmer leurs compétences qui se sont peu à peu, selon Morgan Vallet, « révélées complémentaires de celles des profils dominants du secteur, écoles de commerce ou d’ingénieur », non sans noter qu’une double expertise d’architecte-urbaniste facilite l’assimilation.
Agent de liaison et facteur d’innovation
L’urbaniste poursuit « la vision générale des enjeux de la ville qui lui permet de dialoguer avec les élus et services des collecti- vités et avec les concepteurs. Il dézoome et regarde les aménités de façon à présenter aux décideurs un projet global, intégré », affirme Morgan Vallet. « Les élus ne veulent plus du coup par coup, et ils attendent une démonstration du bien-fondé du parti et du programme. » À condition, estime Igor Fléchard, que l’urbaniste « demeure pragmatique », ce à quoi les commerciaux et ingénieurs ne manquent jamais de le rappeler, mais sans rester imperméable à ses idées originales. Car l’urbaniste « optimisateur » est à la recherche des fonctions supplémentaires pour améliorer la qualité d’usage. « Bien au-delà de la crèche ou du cabinet médical en pied d’immeuble, s’amuse Morgan Vallet, à l’écoute des besoins des communes que nous essayons d’intégrer dans l’économie des projets. »
La promotion immobilière a besoin des urbanistes
Dans le contexte de crise du logement et de réduction inquiétante du nombre de permis de construire, les promoteurs sont en recherche de solutions et d’alliances avec les collectivités car, selon Igor Fléchard, « il faut désormais faire preuve d’abnégation et d’imagination pour qu’un projet immobilier puisse voir le jour ». Les deux associés sont persuadés que la promotion immobilière devrait recruter davantage d’urbanistes, mais le secteur demeure peu attractif chez les jeunes diplômés, mais aussi chez les actifs. « Il n’y a pas de porosité », regrettent-ils.
Maider Darricau
© Urba Actes/Desimo/A4+A
Projet de Donville-les-Bains, en Basse-Normandie, qui comprend la construction de 25 logements neufs sur dalle existante, la réhabilitation de 14 logements, un commerce, et la réalisation des stationnements dans les anciens locaux d’entreposages sous la dalle.