Évènements rares à la fin du XXe siècle, les festivals musicaux ont déferlé sur la France et le monde au bénéfice des nouvelles logiques économiques de l’industrie musicale. Certains territoires et acteurs ont sauté sur cette opportunité pour assurer leur promotion et enclencher de nouvelles dynamiques économiques et sociales.
Il y a un demi-siècle, la contre-culture mondialisée organisait dans des lieux aussi inspirants qu’éloignés des grandes villes (on ne parlait pas encore vraiment de métropoles) réactionnaires, de grands rassemblements qui réunissaient bien au-delà des artistes et groupes musicaux de la « pop culture », toutes les expressions des revendications sociales et politiques de l’époque. À Monterey, Wight, Woodstock…, mais aussi au circuit du Castellet ou sur le plateau du Larzac, une jeunesse qualifiée alors de « hippie » convergeait pour assister aux concerts de Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Magma, entre lesquels écrivains et poètes – comme Burroughs ou Ginsberg –, activistes révolutionnaires et représentants des religions extrême-orientales, prenaient la parole en faveur d’un monde meilleur.
La dimension pluridisciplinaire et engagée de ces premiers grands rassemblements demeure dans l’ADN des grands festivals actuels. Parfois comme simple élément de langage marketing pour les festivals ouvertement mercantiles, comme Coachella (« Valley Music and Arts Festival », une promesse balayée par une organisation très dépendante des majors de l’industrie musicale). Ou, de toute évidence, de manière bien plus sincère, pour de grands festivals français. On pense évidemment aux Solidays, organisés par l’association Solidarité Sida depuis 1999, dont les bénéfices permettent de financer des programmes de prévention et d’aide aux malades du Sida dans 21 pays, et qui propose, en plus des concerts, de nombreuses conférences et rencontres militantes. Ou bien encore à We Love Green, qui, depuis une dizaine d’années, propose des espaces d’expression et de rencontre à des associations engagées dans la protection de l’environnement. Deux grands festivals « parisiens » organisés à l’hippodrome de Longchamp et au bois de Vincennes.
Pour ce qui concerne les lieux d’organisation, la tradition « territoire du lointain » – des grands espaces de campagne – est entretenue par les fameux méga festivals britanniques (Reading, Glastonbury…) et par d’autres, alors même qu’ils sont devenus extrêmement connus, comme les Vieilles Charrues à Carhaix, par exemple. Mais la plupart des festivals ont lieu à l’intérieur ou à la périphérie immédiate des villes : en plein centre-ville, pour le festival de Nîmes (dans les arènes), le Nice Jazz Festival (place Massena), ou le Main Square à Arras (citadelle) ; dans de grands parcs périurbains, pour Rock en Seine (domaine de Saint-Cloud) ou les Eurockéennes (presqu’île du Malsaucy) et dans des friches urbaines pour Marsatac (Belle de Mai) ou la Fête de l’Huma (base aérienne 217).
Mais si, pendant les premières décennies, les festivals étaient avant tout une question de demande locale (avec des initiatives le plus souvent portées par des passionnés) et de capacité territoriale (lieux appropriés), une tout autre dynamique est à l’œuvre depuis le milieu des années 2000.
Julien Meyrignac
Photo : Primavera Sound Festival, à Barcelone. © Christian Bertrand/Shutterstock
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