Lauréate de l’édition 2022 du Palmarès des jeunes urbanistes, l’agence Les Marneurs – cofondée par Antonin Amiot, Geoffrey Clamour et Julien Romane – vogue entre les littoraux et bassins-versants belges et français. Plébiscitée pour mettre en œuvre des stratégies d’adaptation aux risques, elle diffuse une pratique en cohérence avec les réalités du vivant.
Avec un nom librement inspiré de l’école d’architecture de Marne-la-Vallée, où ils se sont découvert une passion commune, Les Marneurs tablent sur la complémentarité de leur formation (architecture, urbanisme et paysage) à travers leurs trois thèmes de prédilection : le risque, les ressources et le récit.
La distinction du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires représente un signal fort pour ceux qui ont pâti à leurs débuts d’une « période de sécheresse » liée à la crise sanitaire. Elle est surtout un soutien envers une pratique de l’aménagement du territoire, qui ne se prétend pas particulièrement alternative ou innovante, mais qui souhaite « faire société autrement ».
Le message est on ne peut plus clair pour Les Marneurs: la prise en compte des effets du changement climatique est maintenant au cœur des préoccupations de la société comme de l’État.
Un déclic tardif certes, mais une évolution d’ordre éthique pour Geoffrey Clamour. « Nous ne sommes pas les premiers à intégrer les enjeux de sobriété et de finitude dans le projet urbain, mais empruntons le chemin de certains de nos prédécesseurs. Les éthiques évoluent, et si nous avions été Marneurs en 1995, nous n’aurions pas été exactement les mêmes. »
Dès leurs débuts, Les Marneurs se démarquent en créant un outil de sensibilisation via l’association Belle-Ile 2070, qu’ils ont cofondée. Une manière de se « créer de la commande » lors du Parking-Day, évènement mondial qui propose de transformer, le temps d’une journée, ces espaces bétonnés.
Ils construisent ainsi deux ballons en papier mylar gonflés à l’hélium, représentant le volume d’équivalent CO2 rejeté par un seul habitant du territoire en moyenne en 12 heures.
L’occasion d’échanger sur les petits gestes du quotidien pour en diminuer les impacts, et surtout rendre visible ce qui ne l’est pas.
Antonin Amiot précise: « La prise de conscience est plus simple quand on visualise un volume et une quantité. C’est beaucoup plus efficace qu’un discours bienveillant. »
Sans se considérer comme des lanceurs d’alerte, Les Marneurs se positionnent comme des relais ou des conseillers auprès des élus et des commanditaires. Leur objectif : travailler à une meilleure connaissance des questions environnementales, afin de limiter les commandes publiques éloignées des réalités du terrain.
Un exercice de pédagogie qu’ils mènent à tâtons auprès des édiles, afin de ne pas les brusquer avec une vision du projet urbain encore fortement méconnue.
La limite administrative en désuétude
Pour traiter le risque naturel, pas de méthode miracle. « Il y a un danger à prétendre le contraire, estime Geoffrey Clamour. Il faut prendre des responsabilités, il y a des collectivités et des écosystèmes économiques qui subissent ce risque, on ne peut pas être seulement radical et appliquer une méthode générique, mais plutôt viser une approche située, pragmatique et graduelle. » En ce sens, l’approche géomorphologique est essentielle.
Maider Darricau
Photo : Les Marneurs Julien Romane, Geoffrey Clamour et Antonin Amiot (de g. à dr.). © Antoine Seiter