Plateau Urbain, la gestion urbaine à vocation sociale et culturelle

Simon Laisney, fondateur de Plateau Urbain, est devenu, depuis le succès des Grands Voisins, l’un des acteurs majeurs de l’urbanisme transitoire. En quelques années, sa coopérative est parvenue à proposer un nouveau modèle culturel et solidaire en cœur de métropole. Un concept aux airs d’utopie concrète qui séduit les jeunes urbanistes.

 

Com­ment est né Pla­teau Urbain ?

J’ai fait des études d’urbanisme à Paris 1 [Panthéon-Sorbonne, ndlr], avant d’être ana­lyste de marché pour DTZ, un bro­ker inter­na­tio­nal de bureaux. J’ai donc ana­lysé ce marché pour Lyon, Paris et Mar- seille, pour consta­ter que, en 2012, le stock de bureaux de seconde main en Ile-de-France était de 3,6 mil­lions de mètres carrés et ne se résorbait pas avec l’arrivée des pro­jets neufs. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 4,5 mil­lions de mètres carrés. Puis, j’ai été licen­cié économiquement de DTZ et je me deman­dais quoi faire de la base de données que j’avais constituée. C’était l’époque du col­lec­tif Jeu­di noir, des friches artis­tiques, des lieux comme le 6b, à Saint- Denis… Beau­coup d’artistes et de créateurs pei­naient à trou­ver des espaces.

J’en ai parlé à mes anciens cama­rades de pro­mo­tion en urba­nisme, Paul Citron, Mathias Rouet, Lau­ra Peti­bon, Syl­van White, pour créer l’association Pla­teau Urbain, en juillet 2013. Rapi­de­ment, nous ren­con­trons à Mala­koff l’artiste Ema Drouin, qui nous explique alors que 40 % à 50 % de ses sub­ven­tions du département passent dans son loyer, qui revient à un bailleur social… Nous ren­con­trons aus­si Gio­van­na d’Ettorre, ini­tia­trice de pro­jets cultu­rels, qui a pour mis­sion de préfigurer l’ouverture du Car­reau du Temple [Paris 3e] en occu­pant des bou­tiques vides en rez-de- chaussée chez les bailleurs sociaux. Pla­teau Urbain se retrouve alors à faire le chef d’orchestre entre les différents acteurs. Et c’est là notre première réalisation : l’accompagnement de « La Bou­tique des Fris­sons ». Nous appro­chons alors des propriétaires pour les encou­ra­ger à nous confier leurs bâtiments, ce qui leur per­met­trait de se pas­ser de gar­dien­nage et de sou­te­nir l’ESS [économie sociale et soli­daire]. Mais, à l’époque, ils se sont beau­coup moqués de nous, leur peur étant que les occu­pants ne partent jamais.

Quels étaient alors vos prin­cipes fondateurs ?

Le contrat moral consis­tait à se mettre d’accord sur une date de début et de fin, ain­si que, généralement, la gra­tuité du bien. Cela per­met­tant de réfléchir hors marché avec des loyers plus bas afin de pou­voir créer, comme une parenthèse au milieu de la ville néo- libérale. À cette époque, nous ver­ba­li­sons aus­si le fait que ne pas par­tir serait une forme d’accaparement bour­geois, et commençons à théoriser la rota­tion. Aujourd’hui, nous sommes une première marche vers autre chose, en répondant vrai­ment à des besoins non assou­vis de la ville en termes d’abordabilité.

Com­ment en êtes-vous arrivés à votre pre­mier pro­jet phare, Les Grands Voisins ?

De fil en aiguille, alors que je suis encore un peu seul à gérer Pla­teau Urbain, je me retrouve dans un pro­jet de l’association Aurore, au moment où se des­sine le pro­jet d’écoquartier sur le site de l’ancien l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, et pour lequel Aurore s’apprête à inter­ve­nir. Au même moment, grâce à un concours « Entre­prendre autre­ment » de la Région Ile-de-France, nous boos­tons notre visi­bi­lité en tant qu’association capable d’aider les acteurs de l’ESS à accéder à des espaces abor­dables. On contrac­tua­lise avec Aurore et j’appelle Paul Citron pour lui expli­quer qu’on a 3,4 hec­tares à gérer… Il quitte sa thèse pour se lan­cer dans le pro­jet, et d’autres viennent bientôt gros­sir nos rangs.

Tout cela a donné Les Grands Voi­sins, avec Aurore, comme ges­tion­naire d’ensemble, Pla­teau Urbain, pour la coor­di­na­tion tech­nique des via­bi­li­sa­tions et l’entretien des bâtiments, et Yes We Camp, pour la direc­tion artis­tique, la pro­gram­ma­tion cultu­relle, etc. Ce lieu nous a, bien sûr, ser­vi à en ouvrir d’autres : c’était le démonstrateur. C’était une période magique, comme une uto­pie concrète. Et nous avons réussi à convaincre que cette parenthèse-là, on pou­vait en avoir plu­sieurs, par­tout en France.

© D. R.

Pro­pos recueillis par Rodolphe Casso

Lire la suite de cette interview

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus