Pour relever le défi hydrique, muscler l’ingénierie territoriale

Pour faire face aux enjeux financiers et techniques des politiques de rénovation et transformation des infrastructures hydriques, les capacités en ingénierie territoriale des collectivités vont devoir s’adapter.

 

Le 21 février der­nier, la France enre­gis­trait un nou­veau record avec 32 jours sans précipitations. Cette situa­tion de sécheresse hiver­nale s’ajoute à une année 2022 déjà très sèche. Depuis 1947, la France connaît de nom­breuses vagues de cha­leur, qui aug­mentent en quan­tité et en inten­sité à par­tir des années 2000. L’été 2022 a mis en lumière la vulnérabilité de nos ter­ri­toires face à ces évènements cli­ma­tiques, notam­ment concer­nant nos res­sources en eau : sur 96 départements, 90 ont dû faire face à des res­tric­tions d’usage de l’eau. Cer­tains vil­lages ont même vu leur ali­men­ta­tion en eau potable coupée quelque temps. D’un point de vue géologique, les sols ont été asséchés et cet hiver n’a fait qu’empirer la situa­tion. La sai­son hiver­nale, qui idéalement per- met aux nappes phréatiques de se rechar­ger en eau, est cru­ciale pour l’été à venir, or les sols français de février 2023 sont sem- blables à des sols printaniers.

Les conséquences des évènements cli­ma­tiques récents ont pour point posi­tif de (re)mettre en avant l’importance de l’eau comme pierre angu­laire de l’ensemble de nos activités humaines, à la croisée de l’alimentation, la santé, la bio­di­ver­sité, l’agriculture ou encore l’énergie. Dans un contexte de ten­sion sur la dis­po­ni­bi­lité de la res­source en eau, des conflits d’usage de plus en plus prégnants com­mencent à apparaître lors de désaccords sur la quan­tité de volume à prélever et la quan­tité prélevable exis­tante de la res­source – notam­ment en période de sécheresse ou de catas­trophe naturelle.

Ces conflits d’usage sont destinés à s’intensifier dans les pro­chaines années et une prise de conscience a eu lieu ces der­niers mois par­mi les élus, la société civile et le monde économique alors que le rap­port du Giec (Groupe d’experts inter­gou­verne- men­tal sur l’évolution du cli­mat), ren­du public en février 2022 et dont une synthèse a été publiée en mars 2023, insiste for­te­ment sur la ques­tion de l’eau, en tirant la son­nette d’alarme quant aux menaces qui en émergent. À l’horizon 2050, le niveau des cours d’eau en France risque de dimi­nuer de 10 % à 40 %.

Sou­te­nir la résilience des territoires

Dans ce contexte de ten­sion sur la dis­po­ni­bi­lité de la res­source générant des impacts sur le quo­ti­dien des Français, il est nécessaire de redon­ner à la ges­tion de l’eau une dimen­sion cen­trale au sein des poli­tiques françaises. Fondées sur la croyance erronée de l’eau comme res­source inépuisable, les problématiques s’accumulent et exposent de nom­breux défis à rele­ver par les collectivités.

Une première problématique concerne la nécessité de sou­te­nir une poli­tique de sobriété à l’échelle natio­nale. Alors que 32 % des Français esti­maient, en 1990, qu’ils man­que­raient d’eau dans le futur, ils sont aujourd’hui 69 % à le pen­ser. Les dernières catas­trophes cli­ma­tiques ont per­mis de réveiller les consciences – en 2022, à la suite des fortes vagues de cha­leur, 66 % d’entre eux sont alors favo­rables à une réglementation limi­tant la consom­ma­tion d’eau. Des mesures d’accompagnement sont mises en place dans cer­taines collectivités afin d’accompagner les usa­gers et les sen­si­bi­li­ser à l’économie de l’eau. D’autres collectivités se voient obligées d’imposer des limi­ta­tions de consom­ma­tion d’eau pour cer­taines activités en période de forte cha­leur. Ces procédés tendent à deve­nir de plus en plus com­muns au fil des années.

Le deuxième défi porte sur les réseaux d’eau potable. Les infra­struc­tures françaises sont de plus en plus endommagées, comme l’attestent les difficultés d’approvisionnement qu’ont connues les quelque 700 com­munes françaises à l’été 2022 : les forages utilisés pour ali­men­ter les com­munes présentent de nom­breux défauts, à la fois de mau­vaise qua­lité et plus assez pro­fonds; les pertes d’eau dans ces réseaux sont estimées à 20 %. Dans d’autres ter­ri­toires, on considère que plus de 50 % de l’eau prélevée et potabilisée n’arrive jamais jusqu’aux consom­ma­teurs. Il existe une forte dis­pa­rité entre les réseaux selon les zones du ter­ri­toire : plus de 1,5 mil­lion de per­sonnes ne dis­posent pas en per­ma­nence d’eau potable et de système d’assainissement, en par­ti­cu­lier dans les outre-mer.

 

Lire la suite de cet article dans le numé­ro 431

 

Pau­line Bru­no, Antoine Defer et Chris­tophe Lasnier

Champ de maïs affecté par la sécheresse (Haute-Marne). ©Isl@m/ CC-BY-SA

 

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