Préparer la société à un développement territorial plus sobre
L’adaptation de l’urbanisme au changement climatique est essentielle.
La démarche de l’urbanisme d’anticipation et de dissociation environnementale pourrait en être la clé.
Interview croisée avec Timothée Hubscher, directeur des opérations de Citadia, et Djamel Hamadou, directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de Grand Paris Grand Est.
Timothée Hubscher : Le territoire Grand Paris Grand Est s’est lancé il y a maintenant trois ans dans l’élaboration de son plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) que vous portez, avec une recherche importante sur l’adaptation de l’urbanisme au dérèglement climatique. Racontez-nous.
Djamel Hamadou : L’engagement de l’élaboration du PLUi a été décidé par le conseil de territoire de Grand Paris Grand Est en juillet 2018 dans un contexte d’hyperjeunesse de l’établissement public de coopération intercommunale, puisqu’il a été créé en 2016.
Il est rapidement convenu d’engager le travail d’élaboration pour partie en interne dans le cadre de recrutements prévus pour le transfert de la compétence PLU. À ce moment-là, des experts de haut niveau en urbanisme et en cartographie vont rejoindre l’équipe en cours de constitution à la direction de l’aménagement et de l’urbanisme.
L’organisation va progressivement s’étoffer avec le recrutement d’un bureau d’études environnement (Urban-Eco) et l’adhésion aux agences d’urbanisme de la métropole et de la région : l’Atelier parisien d’urbanisme et L’Institut Paris Region. Les travaux de diagnostic et d’analyse urbaine vont être conduits de manière parallèle à une étude, menée à Rosny-sous-Bois, assez singulière par sa vocation exploratoire d’un urbanisme d’anticipation projetée en 2050.
Cette exploration, pilotée également par une équipe mixte « interne/externe », dont je vais assurer la direction comme architecte-urbaniste, va être assez proche d’un travail de recherche, en tout cas dans la première partie des travaux. Les deux démarches vont se nourrir mutuellement, et la question environnementale et climatique va prendre une position centrale, mais je vais revenir en détail sur ces éléments.
Timothée Hubscher : Quels sont, d’après vous, les principaux enjeux auxquels vont faire face les territoires demain et, dans votre cas, les territoires urbains ? Comment la planification peut ou doit jouer un rôle dans la prise en compte de ces enjeux et dans la mise en œuvre de solutions ?
Djamel Hamadou : De mon point de vue, il n’y a pas de plus grande priorité que les changements à venir de notre environnement et de notre climat. Il est évidemment essentiel de maintenir nos efforts de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES) et de notre empreinte environnementale. Les démarches collectives autour de la frugalité heureuse et créative, chère à Philippe Madec, et de l’urbanisme circulaire de Sylvain Grisot se situent dans cet objectif.
Selon moi, cela ne suffit pas. En réalité, notre capacité, en France, en Europe, à influer sur l’évolution du climat et les mécanismes de dégradation environnementale à l’œuvre nous échappent largement par leur dimension structurelle et planétaire. Nous allons devoir faire face, à une vitesse et une intensité que nous ignorons, à des changements qui peuvent être lourds de conséquences, notamment en matière sanitaire.
Les épisodes caniculaires ou encore de fortes précipitations le montrent régulièrement.
Je pense qu’il faut nous préparer, tester, étudier les modèles urbains susceptibles de réduire de la façon la plus forte possible les impacts, en particulier sanitaires, que l’on peut prévoir. Et il ne s’agit pas d’un travail de résilience des tissus existants, mais un exercice, libre sur le plan de l’esprit, de construction d’un modèle, d’un concept avancé pour faire face à ces changements. À partir de ce modèle et des expérimentations conduites, des enseignements sur la meilleure adaptation possible des tissus existants pourront être tirés. De la même façon, la planification urbaine par son caractère prospectif se prête particulièrement bien à l’intégration de certains principes issus de cet exercice d’anticipation, même si la notion d’habilitation par le Code de l’urbanisme ne permet pas de traiter toutes les thématiques, en particulier lorsqu’elles sont d’ordre constructif.
Hormis les questions environnementales, qui, vous l’avez compris, focalisent mon attention, il serait par ailleurs intéressant de croiser la prise en compte de ces questions avec d’autres enjeux à travers d’autres projets de planification urbaine. Côté Citadia, quel est votre point de vue ?
Photo : Le parc du plateau d’Avron, à Rosny-sous-Bois. Photo EPT Grand Paris Grand Est
Lire l’interview dans notre numéro 423 “Territoires oubliés, terres de projet”