La recherche urbaine contribue depuis toujours à la légitimité de la pratique des urbanistes. Mais les relations chercheurs urbanistes demeurent pourtant épineuses.
Hélène Dang Vu, maîtresse de conférences à l’École d’urbanisme de Paris et au laboratoire Lab’Urba (université Gustave- Eiffel), revendique d’emblée l’emploi du terme « champ » plutôt que « discipline », tant l’urbanisme est pluridisciplinaire et lié à l’action collective.
En France, l’enseignement de l’urbanisme est largement associé aux sciences humaines et sociales (géographie, sociologie…), alors qu’il est davantage lié aux sciences de l’ingénieur ou à l’architecture dans le reste du monde. Une spécificité qui a des conséquences importantes, comme le relève Hélène Dang Vu : « Le fait qu’il y ait une formation spécifique séparée de l’archi- tecture et de l’ingénierie est assez singulier et cela a des traductions très fortes dans les sensibilités des professionnels travaillant dans ce champ. » Cette spécificité est d’autant plus singulière que l’urbanisme regroupe, en France, l’urban design et le planning, soit la conception et la planification, tandis que ces disciplines sont distinctes partout ailleurs. Au point d’impacter la pratique académique : « Nous n’avons pas le même logiciel, ce qui change profondément la manière dont nous lions le proces- sus d’aménagement avec l’amont de la planification et l’aval de la conception et exécution. » Pourtant, l’émergence des enjeux de transition induit de plus en plus de relations avec les sciences « dures », mais qui, du côté de la recherche, ne sont pas évi- dentes à activer : « Le dialogue entre des disciplines et référentiels très différents suppose un effort des deux côtés, pour tendre vers une culture commune. »
Cette séparation apparaît comme une lacune pour Hugo Guillet, urbaniste et chercheur associé. Lui a préféré mener sa recherche en Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) dans une école d’architecture plutôt que dans un laboratoire d’urbanisme, pour être encadré par des enseignants-chercheurs davantage sensibles aux enjeux et problèmes de conception urbaine. « Il manque des approches plus dessinées du projet. La plupart des recherches en urbanisme sont orientées vers la sociologie. J’ai trouvé un terrain d’entente avec des chercheurs spécialisés dans les formes urbaines à qui j’ai proposé une vision élargie. »
Un couteau suisse
Pour le monde de la recherche, les urbanistes exercent un métier technique et politique, peu visible du grand public, ce qui en fait un sujet d’étude à part entière. « Ce sont des figures de l’ombre », précise Hélène Dang Vu, prises entre les élus, qui portent le politique et auxquels les urbanistes apportent une aide à la décision, et les experts des domaines composant le champ de l’urbanisme, dont les urbanistes doivent intégrer les problématiques, « ce qui suppose de se former, d’apprendre, pour questionner ces domaines ». Sans compter que ces derniers doivent constamment s’adapter aux évolutions de la société et décrypter les enjeux émergents, « ce qui en fait un métier passionnant ».
Maider Darricau
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« L’avenir en héritage », perspective du Village des athlètes, secteur E, Saint-Ouen-sur-Seine.