Renouveler la prospective de l’habitat et produire des logements 1/3

La crise du logement n’en finit pas. Nos sociétés postindustrielles pensaient pourtant avoir résolu la question de l’habitat. Malgré les investissements considérables réalisés au cours des soixante dernières années, impulsés par une action publique multiforme, ce n’est pas le cas. Cette question figure encore aujourd’hui parmi les défis majeurs que doit relever la France, mais aussi de nombreux autres pays européens : aux besoins considérables des mal ou non logés s’ajoutent les attentes des ménages aspirant à déménager, la demande insatisfaite dans des territoires en expansion économique, et les nombreuses discordances entre une offre par nature rigide et des aspirations sociétales en rapide évolution.

Crise de l’offre, crise de la demande, mais aussi crise de l’urbanisme. En effet, la consommation effrénée de terres agricoles pour construire des logements individuels a aussi pour cause le désaveu des formes urbaines collectives peu appréciées. Il s’agit désormais de mettre en œuvre un « zéro artificialisation nette » (ZAN) qui ménage les espaces agricoles et naturels. Tout converge pour faire de l’habitat une question centrale au cours des prochaines décennies : des dépenses croissantes dans les budgets des ménages, un poids considérable dans les comptes des acteurs publics (État, collectivités locales, organismes sociaux), et une part importante des émissions de gaz à effet de serre… Avec aussi le désarroi d’un certain nombre d’acteurs professionnels qui ont perdu pied face à l’érosion de leur modèle économique : des coûts de production croissants, des exigences normatives accrues, face à une solvabilité de la demande limitée. Pour parfaire le tableau, il faudrait ajouter également le dilemme des décideurs locaux, confrontés à la difficile acceptation par les riverains de nombre de projets de construction dans la ville constituée, tandis que les autorisations de construire en extensions urbaines sont de plus en plus rares, et contestées elles aussi.

Cet article poursuit le travail sur les enjeux de la production de l’habitat en ville, à la lumière d’une réflexion prospective à 25 ans sur la demande et les besoins, mais aussi sur l’analyse des actions d’opérateurs publics et privés dans plusieurs métropoles. L’ouvrage Réparer et construire la ville : pour un renouvellement de l’offre en logements, publié en 2024 aux éditions Le Moniteur (1), avec le concours du Club Ville Aménagement (2), en relate les principales conclusions. À partir des apports d’experts et acteurs opérationnels (élus, aménageurs, concepteurs), son ambition consiste à conjuguer une vision globale sur les évolutions sociodémographiques de l’économie de l’habitat, avec les incidences du changement climatique. La mise en regard de plusieurs réalisations concrètes engagées dans différentes métropoles permet d’instruire les questions suivantes : quelles perspectives pour l’action ?

Quels leviers utiliser ? Que nous apprennent ces investigations sur les pistes pour dépasser les crises et blocages actuels ? Nul doute, un changement de paradigme du triptyque « habitat, population, urbanisme », peut-être aussi puissant que celui que nous avons connu au cours des années 1950, s’impose.

Nicolas Binet, Gwenaëlle d’Aboville et Gilbert Emont

Retrouvez la deuxième partie de cet article ici et la troisième partie ici

 

Notes sur les auteurs

Nicolas Binet est géographe-urbaniste, expert en habitat et renouvellement urbain. Il a occupé des fonctions de management de projets immobiliers et urbains pour produire et réparer la ville : promotion immobilière en Centre-Loire, réhabilitation et renouvellement urbain en Ile de France, projet urbain de l’Ile de Nantes et direction des projets de renouvellement urbain à Marseille.  Il exerce depuis des activités de consultant, en particulier pour l’Agence Française de Développement, ou pour EUROPAN.

 

 

 

 

Gwenaëlle d’Aboville est urbaniste et architecte, directrice et co-fondatrice en 2004 de l’agence Ville Ouverte, et maîtresse de conférences associée à l’école nationale supérieure d’architecture Paris-Est. L’équipe pluridisciplinaire de Ville Ouverte travaille sur des missions de planification, de programmation urbaine ou architecturale et de projet urbain. Ses travaux  portent notamment sur la redynamisation de centres-villes, de quartiers dégradés ou en renouvellement urbain.

 

 

 

 

Gilbert Emont, ingénieur de l’école Centrale, il poursuit des études en économie à Paris-Dauphine, et devient chercheur en créant et dirigeant le Laboratoire Logement jusqu’en 1981. Puis il fait une longue carrière de dirigeant dans le groupe immobilier de la Caisse des Dépôts, dont il fut un directeur général délégué. Il décide de retrouver le champ de la réflexion et rejoint l’IEIF comme Directeur de Recherche en 2009. C’est dans ce cadre qu’il est le rédacteur du Livre Blanc de l’innovation immobilière en 2011, puis il publie « Logement, pronostic vital engagé » en 2012, « Marché du logement, l’empreinte des territoire » en 2015, et « Habiter la France urbaine » en 2023, tous trois aux éditions Economica. Il a été également directeur-fondateur de l’institut Palladio des Hautes Etudes sur l’Immobilier et la Cité.

 

 

Notes

1/ Nicolas Binet et Gwenaëlle d’Aboville, avec les contributions de Gilbert Emont, Philippe Schmitt, Pascal Chombart de Lauwe, Luc Stéphan, et Julien Leriche, préface de François Leclercq.

2/ Le Club Ville Aménagement, fondé en 1993, regroupe des aménageurs engagés dans des projets urbains majeurs impulsés par les décideurs publics, et différents acteurs publics et privés qui y concourent. C’est un lieu d’échanges et de débats professionnels, particulièrement grâce aux colloques qu’il organise tous les trois ans. En juin 2025, les entretiens de l’aménagement se tiennent à Lyon. 

Photo : Enquête photographique, crédit : Charlotte Dubois

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