En 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol, classée Seveso, a traumatisé les habitants de la métropole de Rouen. Bien que les conséquences sanitaires se soient révélées limitées, ce spectaculaire sinistre a obligé le territoire à revoir en profondeur la prévention des risques industriels, mais aussi la communication et la sensibilisation auprès des habitants.
Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, entre 2 et 3 heures du matin, un incendie se déclare dans une zone industrielle située à l’ouest de Rouen, à la frontière de la commune de Petit-Quevilly. Cette nuit-là, les flammes ravagent trois hectares de l’usine Lubrizol qui recèle des produits chimiques (additifs pour lubrifiants) combustibles et inflammables, ainsi que 7 000 m² du hangar de l’entreprise voisine, Normandie Logistique. Lubrizol est un site classé « Seveso à haut risque », un terme de sinistre réputation depuis la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse en 2001. Quand ils n’ont pas été tirés de leur sommeil par les bruits d’explosions, les habitants de la métropole rouennaise se réveillent avec un gigantesque panache noir au-dessus de leur tête.
Les moyens engagés pour lutter contre le sinistre sont hors norme : six services départementaux de secours sont mobilisés, avec plus de 240 pompiers sur site, plus de 46 engins lourds, ainsi que 90 policiers et 46 gendarmes. Pour les soldats du feu, le premier enjeu n’est pas d’éteindre l’incendie, mais d’éviter qu’il ne se propage sur le site voisin de Triadis, une autre entreprise Seveso (classée « seuil bas ») contenant des matières dangereuses. Les flammes sont finalement maîtrisées à 13 h, puis éteintes à 15 h – soit plus de 12 heures après le début du drame.
Entre-temps, la fumée, qui a culminé à 400 m d’altitude aux premières heures de la catastrophe, a été emportée par le vent vers le nord-est, sous la forme d’un nuage de plusieurs kilomètres de long. Dans la matinée, il survole les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, dans les Hauts-de-France, puis la Belgique et les Pays-Bas.
Des analyses rassurantes
En février 2020, une mission d’information a remis un rapport à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, dévoilant que le sinistre avait vu brûler « plus de 9 500 tonnes de produits dan- gereux (…) [4252 tonnes chez Normandie Logistique et 5235 tonnes chez Lubrizol, ndlr]. Cet incendie peut être considéré comme le plus important accident industriel en France depuis AZF à Toulouse en 2001 ». Avant même la fin du sinistre, la question de la toxicité des émissions et du danger pour la santé des Rouennais s’est imposée comme toute première préoccupation. Le fait que les habitants soient chez eux au moment de l’accident, qui est survenu en pleine nuit, a naturellement facilité les mesures de confinement.
Dans le détail, la préfecture a prévenu les services de permanence des communes alentour entre 3 h 30 et 4 h du matin, même si on ne connaissait pas encore la direction qu’allait prendre le panache de fumée. Les services de l’Éducation nationale ont été prévenus à partir de 6 h 45 ; les 112 sites scolaires les plus concernés par le sinistre, répartis sur douze communes, sont alertés peu avant 9 h Mais l’information a été relayée bien plus tôt sur les réseaux sociaux (dès 4 h du matin) et sur France Info, puis sur France Bleu Normandie à partir de 5 h 30.
Finalement, les pouvoirs publics feront état d’un impact sanitaire très limité sur les habitants de la métropole. Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), Robert Genet, a déclaré à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « La cellule opérationnelle de toxicovigilance a recensé les appels reçus par les centres antipoison entre le 26 et le 30 septembre, qui ont été classés en lien avec l’accident, nous avons 51 cas d’effets indésirables, qui ont été assez bénins. »
Également auditionnée par la mission d’information, la ministre des Solidarités et de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, a fait état de données épidémiologiques recensant 259 passages aux urgences les premiers jours, puis deux à cinq passages quotidiens, pour des pathologies asthmatiformes ou des consultations liées à des nausées, vomissements ou céphalées. En tout, six personnes ont été hospitalisées pour un court séjour. La ministre a aussi précisé que la cellule d’appui psychologique mise en place du 2 au 11 octobre avait reçu 47 personnes.
Rodolphe Casso
Cette carte recense la présence des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sur toutes les communes du territoire. Source : Risques naturels et industriels, édité par la Métropole de Rouen à l’attention des habitants