Depuis 2021, la plus grande commune de Haute-Marne mène un ambitieux plan de transformation de son cœur de ville. À terme, la cité bragarde entend devenir le centre d’un bassin de vie à l’échelle du territoire, grâce à une dynamique résidentielle, commerciale, culturelle et, même, touristique.
Connue pour son industrie métallurgique florissante au XIXe siècle et pour être le berceau des crèmes glacées Miko, Saint-Dizier cherche à se réinventer. Située à mi-chemin entre Paris et Strasbourg, on aurait vite fait de classer la commune de 26 300 habitants au rang des angles morts métropolitains du Grand Est, parce qu’elle est enclavée entre Troyes, Nancy, Metz et Reims. Inscrite au programme Action cœur de ville, la première ville de Haute-Marne en termes de population – et centre de la communauté d’agglomération Saint-Dizier, Der et Blaise (avec 60 communes pour près de 62000 habitants) –, affiche plusieurs atouts majeurs. Tout d’abord, la base aérienne 113, présente sur le territoire depuis 1951.
Avec 1 700 militaires et 100 civils, c’est le premier employeur du département. Pas moins de 950 familles qui dépendent de la base vivent dans l’agglomération. Ensuite, un patrimoine naturel d’envergure, avec la Marne et le canal, entre Champagne et Bourgogne, qui traversent le cœur de ville, l’immense lac du Der à proximité (48 km²) et de vastes espaces forestiers au nord comme au sud du territoire communal. Enfin, une nouvelle équipe municipale menée par le très dynamique Quentin Brière, élu maire en 2020, à l’âge de 31 ans.
Un an après son arrivée aux commandes de la commune, Quentin Brière lance avec son équipe le très ambitieux projet « Révéler Saint-Dizier ». Ce vaste plan de transformation urbaine, auquel prennent part habitants, porteurs de projets et entreprises locales (1200 contributions citoyennes recensées), a pour objectif de redynamiser le cœur de ville afin de booster l’attractivité autour de l’économie résidentielle, productive et touristique.
Une offre culturelle déjà solide
Après une première phase consultative et participative (enquête, balades urbaines, « marathon créatif », etc.), les Bragards ont pu exprimer leurs souhaits. Le premier concerne les offres de sortie, de divertissement et d’espaces récréatifs non marchands. Certes, l’offre culturelle apparaît comme satisfaisante aux habitants.
Surtout depuis la réhabilitation, en 2006, de l’ancienne usine Miko, dont la tour aux accents Art déco constitue l’emblème de la cité, pour en faire un cinéma multiplexe de sept salles en plein centre-ville. Plus récemment, en 2022, la salle Aragon (ancienne salle des fêtes) s’est totalement transformée pour accueillir le projet Muse ; des expositions numériques spectaculaires en provenance directe du Grand Palais Immersif de Paris. Saint-Dizier est la première ville en région à bénéficier de ce programme. Malgré cela, les Bragards manquaient de lieux de flânerie ou de points de rencontre. À commencer par les bords du canal et de Marne, dont le potentiel s’avérait encore trop peu exploité.
Ces requêtes ont bien été entendues par la municipalité qui, outre le développement de la culture et des loisirs, entend faire de Saint-Dizier une ville accueillante pour tout un bassin de vie. En effet, le centre nautique enregistre près de 200 000 entrées par an et le Ciné Quai en dénombre tout autant. Preuve pour le maire que ces infrastructures n’attirent pas que les Bragards. Au nord, le canal pourrait aussi accueillir un port de plaisance, avec pédalos et bateaux électriques en location.
Quant aux bords de Marne, ils pourraient constituer un véritable pôle nature et loisirs au sud de la ville. Cet axe nord-sud doit même être relié par la trame bleue de l’Ornel, une rivière enfouie sous le centre-ville que la municipalité a décidé de faire sortir de terre pour créer des « spots nature ». Mais le projet le plus ambitieux reste sans doute celui d’ouvrir au public le château de Saint-Dizier, actuellement siège de la sous-préfecture, pour en faire un lieu de rayonnement culturel régional.
Côté commerce, beaucoup de petites cellules mériteraient d’être regroupées pour permettre à plus de franchises de s’installer. À ce titre, l’implantation réussie, en mars2022, d’une brasserie-pub Au Bureau, entre le canal et le cinéma, montre aux grandes enseignes que la fréquentation peut être au rendez-vous. Également en mars dernier, l’inauguration des nouvelles halles sur l’artère principale qu’est la rue Gambetta promet, avec ses 25 commerçants, de générer du flux et de faire office de locomotive commerciale. La municipalité ne cache d’ailleurs pas son ambition: doubler le nombre de restaurants et de bars d’ici la fin du mandat.
Ainsi, le recrutement, en 2022, d’un manager de commerce devrait y contribuer. La deuxième grande préoccupation concerne les mobilités, avec des demandes de parkings proches du centre – d’autant plus dans une perspective de piétonnisation annoncée –, ainsi qu’un « plan vélo » pour davantage de pistes cyclables. Avec Transdev, la mairie entend augmenter le nombre de bus et d’arrêts. Côté route, le doublement de la RN4 est envisagé. Quant au rail, Quentin Brière a entamé des discussions avec Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, qui s’est engagé à établir une feuille de route pour faire de Saint-Dizier « une ville exemplaire » en matière de désenclavement ferroviaire, en optimisant les dessertes vers Paris et l’est de la France. Mais l’alliance envisagée n’avance pas assez vite, au goût du maire, qui s’avoue « déçu » sur ce point, sans baisser les bras pour autant.
Rodolphe Casso
Les nouvelles halles de Saint-Dizier, ouvertes en mars dernier ©Ville de Saint-Dizier