Depuis plus de dix ans, Chris Blache, cofondatrice du bureau d’études Genre et Ville, et Édith Maruéjouls, fondatrice de L’Atelier recherche observatoire égalité (L’ARObE), œuvrent à une prise de conscience globale de l’intérêt des politiques publiques égalitaires, à toute échelle.
Quels sont les enjeux auxquels répondent vos bureaux d’études respectifs ?
Chris Blache : Genre et Ville a fêté ses dix ans en 2022. Nous sommes un bureau d’études, et nous nous qualifions souvent de Think et Do Tank. Nous travaillons sur un sujet qui n’est pas jeune, mais qui nécessite une réflexion très forte, qu’il est important de réétudier en permanence. Nous menons également beaucoup de recherches-actions. Nous éprouvons ce que nous lisons et constatons dans nos recherches scientifiques. Nous travaillons de manière longitudinale, à tout niveau de gouvernance, tant auprès de petites équipes que d’usagères et usagers.
Depuis les débuts de Genre et Ville, nous avons mis en place un corpus d’outils qui nous permettent aujourd’hui de travailler cette question du genre sur le terrain auprès des professionnels. Nous produisons des guides en collaboration avec des villes et institutions. Nous avons, par exemple, rédigé deux guides portant sur l’espace public et le logement pour le projet Anru de Villiers-le-Bel dans le cadre d’une recherche-action. Nous venons de terminer un outil avec la Ville de Saint-Nazaire. Il s’agit d’une carte dépliante qui permet d’identifier ses connaissances sur la thématique du genre, et la marche à suivre pour les développer. C’est un outil didactique accompagné de fiches-outils, que nous attendions de créer depuis longtemps. Il a été construit en collaboration avec un groupe de travail que nous réunissions régulièrement.
Chez Genre et Ville, nous souhaitons accompagner dans la durée. En urbanisme, le one-shot, c’est du temps et de l’argent perdus. Pour avancer, la majeure partie de notre travail consiste en la création d’outils. Lorsque nous travaillons avec un territoire, nous faisons en sorte de créer une équipe qui portera ensuite ce sujet sur le temps long. Nous travaillons tant en maîtrise d’ouvrage qu’en maîtrise d’œuvre, comme ça a été le cas pour la place du Panthéon. Nous sommes une petite équipe, mais nous travaillons aussi bien pour des projets européens qu’internationaux.
Édith Maruéjouls : L’Atelier recherche observatoire égalité (LARObE) propose essentiellement des missions immersives, au plus près des corps professionnels et des corps physiques, sur des espaces géographiques donnés. Nous travaillons particulièrement en milieu scolaire et professionnel pour l’accompagnement sur de la méthodologie d’égalité, intégrée dans les services. Ces missions de terrain, que nous menons depuis une dizaine d’années, nous permettent de sensibiliser la société civile avec des conférences, notamment. Tout comme Chris Blache, nous intellectualisons ces questions via le débat scientifique et les médias afin de démocratiser et populariser cette notion. Je consacre beaucoup de temps aux journalistes pour sortir d’une caricature de l’approche du genre. L’originalité de notre travail se caractérise par sa durée, de quatre à six mois sur certains espaces. Nous travaillons avec un panel de communautés pro- fessionnelles, sans avoir de compétences architecturales. Je suis géographe et je travaille avec une designer sociale et une socio- logue. L’idée est de faire appel à l’intelligence collective, dans la durabilité. Nous mettons en place des « pouvoirs d’agir professionnels » sur la question du genre.
Propos recueillis par Rodolphe Casso et Maider Darricau
Crédit photo : Michel Le Moine/Divergence