Le territoire, la ville et le genre

È pericoloso sporgersi*

 

La ques­tion du genre – des genres – est par­tout. Sur les écrans dans les ques­tions d’actualité et les débats de société, sur les murs de nos villes où fleu­rissent les mes­sages des col­leuses et col­leurs, dans nos cadres pro­fes­sion­nels, dans nos foyers. Et aus­si, depuis de très nom­breuses années, dans les publi­ca­tions et les col­loques sur l’aménagement et l’urbanisme.

Nous n’avons donc eu aucune peine à nous convaincre que mettre la thématique des genres à l’agenda de nos publi­ca­tions était plus qu’un bon choix éditorial : une vraie nécessité. Mais nous étions loin d’imaginer son extrême sen­si­bi­lité, bien au-delà du pour­tant large domaine des métiers de la ville et des ter­ri­toires, dans la société en général.

Lors de la préparation de ce numéro, toutes les coordonnées du ter­ri­toire « genres » ont été sou­mises à cau­tion en comité éditorial et conseil scien­ti­fique, au prisme par­fois de l’embarras ou de mal­adresses. Les seules ques­tions inau­gu­rales – « de quoi parle-t-on ? » et « d’où parle-t-on ? » – ont tissé un camaïeu d’incompréhensions brodé de fils identitaires
et générationnels. Je crois que les doutes et les hésitations que cha­cun de nous a pu res­sen­tir à la construc­tion de ce numéro, et qui nous accom­pagnent désormais, ne sont pas son moindre intérêt et bénéfice. En effet, ce qui a été pour cer­taines et cer­tains un par­tage, a aus­si été, pour d’autres, une forme d’éveil.

Avant d’écrire ces lignes, je me suis demandé : « Qui parle ? » Com­prendre : « Suis-je légitime ? » Si les inter­ro­ga­tions rela­tives à la prise en compte des genres dans les poli­tiques d’aménagement et les pro­jets urbains ont une essence uni­ver­selle – et ne sau­raient en conséquence être limitées aux enjeux « féminins » –, cette essence peut- elle véritablement s’exprimer sans une forme de « dis­cri­mi­na­tion posi­tive » ? Dans quelle mesure ? Quand devient-elle contre-pro­duc­tive ? Le devient-elle seulement ?

Bien évidemment, celles et ceux qui ont contri­bué à ce numéro développent des cer­ti­tudes épistémologiques et/ou mili­tantes, et nous sommes cer­tains que leur lumière, plus douce que nous ne l’avions ima­giné – mar­queur de sa meilleure dif­fu­sion dans une opi­nion plus mature –, va éclairer vos réflexions et pro­jets ; en tout cas, en le fabri­cant, nous nous sommes forgé un cer­tain nombre de convic­tions. Tan­dis qu’à titre plus per­son­nel, la lec­ture de Dys­pho­ria mun­di, de Paul B. Pre­cia­do, ache­vait de me per­sua­der que nous sommes en train de vivre une tran­si­tion sociétale (sociale et poli­tique) majeure, un bas­cu­le­ment systémique glo­bal, qui ne peut être limité au cli­mat ou à l’économie, et qu’il appar­tient aux urba­nistes d’accompagner dans son déploiement irréversible.

Enfin, si nous n’avons jamais véritablement considéré prendre un risque éditorial, nous nous sommes par­fois demandé ce qui pour­rait venir nous fouet­ter le visage en « pas­sant la tête au-dehors ». Mais ce fai­sant, nos cer­veaux et nos cœurs se sont emplis d’un air nou­veau, revi­vi­fiant, nécessaire.

Julien Mey­ri­gnac

*Expres­sion ita­lienne, ins­crite sur la plaque métallique d’avertissement sous les fenêtres des trains français, rap­pe­lant qu’il est « Dan­ge­reux de se pen­cher au-dehors ».

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À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


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