« Urba(IA) révolutionne la planification urbaine »
Grégoire de Lasteyrie, président de l’agglomération Paris-Saclay, conseiller régional d’Ile-de-France et maire de Palaiseau, et Florence Verzelen, directrice générale adjointe en charge des industries, du marketing et du développement durable chez Dassault Systèmes, détaillent le champ des applications de leur outil commun, Urba(IA).
Comment fonctionne le consortium d’acteurs publics et privés réunis pour le projet Urba(IA) ?
Grégoire de Lasteyrie : Face aux défis colossaux des transitions écologique et numérique, l’agglomération Paris-Saclay se positionne comme un laboratoire d’innovation publique, incarnant l’ADN collaboratif de notre territoire. Le consortium formé autour d’Urba(IA) rassemble des expertises plurielles et complémentaires, réunissant des acteurs de premier plan tels que Buildrz, CentraleSupélec, Dassault Systèmes, L’Institut Paris Region, l’IRT SystemX et NamR. La force de ce projet réside dans la synergie entre recherche académique de pointe, innovation technologique et expertise industrielle. Cette approche holistique permet l’élaboration de solutions avant-gardistes, comme le jumeau numérique territorial et les modules d’IA dédiés à la simulation urbaine. Ce modèle de coopération public-privé, emblématique de Paris-Saclay et unique en France, illustre l’efficience d’une démarche collaborative face aux enjeux complexes des mutations urbaines et de la durabilité environnementale. Cette alliance de compétences constitue un levier puissant pour façonner un urbanisme plus intelligent, résilient et respectueux de notre écosystème.
Florence Verzelen : Urba(IA) est un projet emblématique qui démontre que les territoires vont bénéficier des avancées technologiques, telles que les jumeaux virtuels et l’intelligence artificielle, pour faire face aux enjeux climatiques. Dassault Systèmes est un partenaire de longue date de Paris-Saclay, et nous sommes très heureux de contribuer à ce consortium pour apporter notre expertise et ainsi contribuer à améliorer la qualité du service public rendu aux citoyens, notamment en matière de planification urbaine. Ce que nous faisons a une grande valeur pour les élus et services, leur permettant de gagner un temps considérable dans la définition et la sélection de projections territoriales.
Comment l’IA peut concrètement aider à accélérer la transition écologique des territoires ?
G. d. L. : Avec Urba(IA), nous apportons la preuve tangible que l’intelligence artificielle s’avère un outil majeur pour accélérer cette transition. Fondée sur une approche scientifique rigoureuse et une technique pointue en matière de données, cet outil révolutionne la planification urbaine. Il offre une capacité inédite de simulation en temps réel de l’impact environnemental des décisions d’urbanisme, optimisant ainsi la réduction de l’empreinte carbone territoriale. L’analyse méticuleuse des permis de construire, basée sur des critères écologiques précis, illustre la puissance de l’IA pour affiner les processus décisionnels. Cette approche data-driven est particulièrement pertinente pour Paris-Saclay, territoire d’innovation et terre d’accueil stratégique pour les data centers. Urba(IA), en s’intégrant parfaitement à notre plan climat-air-énergie territorial (PCAET), ouvre la voie à un urbanisme plus intelligent et respectueux de l’environnement. En mobilisant l’expertise en data science de notre écosystème, nous créons un modèle d’urbanisme durable, capable de relever les défis complexes de la transition écologique tout en optimisant l’utilisation des ressources.
F. V. : Dassault Systèmes est expert dans la modélisation et la simulation de systèmes complexes. Or, les territoires sont des systèmes de systèmes très complexes, où l’évolution de la réglementation apporte des contraintes fortes. L’intelligence artificielle introduit une rupture méthodologique dans l’urbanisme en remplaçant un traitement séquentiel par une approche itérative, où la donnée est un moteur de l’action publique. Urba(IA) s’appuie sur cinq systèmes d’intelligence artificielle complémentaires, qui couvrent l’analyse des documents réglementaires, l’optimisation des formes urbaines, la simulation des impacts environnementaux et la modélisation des infrastructures.
Cette approche permet d’agir à plusieurs niveaux. D’abord, l’outil automatise l’étude des documents d’urbanisme en extrayant et en structurant les contraintes issues des PLU, OAP et Sdrif‑e 1. L’IA identifie immédiatement les règles de constructibilité et les servitudes d’utilité publique, réduisant ainsi le temps consacré à cette phase d’analyse. Ensuite, elle produit des scénarios d’aménagement urbain intégrant des critères de densité, d’artificialisation des sols, de gestion des ressources et de biodiversité. Enfin, la plateforme est capable de réaliser des simulations environnementales : impact sur les îlots de chaleur urbains, étude des corridors écologiques, modélisation de la consommation énergétique ou encore étude des flux de mobilité. Par sa capacité à croiser instantanément un volume considérable de données, l’IA transforme ainsi la manière dont les politiques urbaines sont élaborées. Elle permet non seulement de mieux intégrer les impératifs climatiques dans la planification territoriale, mais aussi de rationaliser l’ensemble du processus décisionnel.
Propos recueillis par Rodolphe Casso
Lire la suite de cet entretien dans le numéro spécial 6 « Fabrique de la ville — La révolution IA » en version papier ou en version numérique
Photo de couverture : Jumeau numérique de la région métropolitaine de Barcelone (détail). Crédit : Aretian
Photo : Grégoire de Lasteyrie. Crédit : Jérémy Barande.
Photo : Florence Verzelen. Crédit : Dassault-Systèmes