La société Villes Vivantes, créée par David Miet et ses quatre associés, est un game changer du métier d’urbaniste qui se positionne sur les missions habituelles de conseil auprès des collectivités locales (PLU, études pré-opérationnelles…), mais qui adresse aussi – directement et indirectement – les particuliers. Entretien avec un iconoclaste.
Comment définiriez-vous l’urbanisme dans la pratique ?
J’ai commencé par faire de la recherche appliquée pendant dix ans au ministère de l’Écologie. J’ai pu y faire le constat que l’urbanisme, en tant que pratique professionnelle, était largement dominé par sa dimension administrative, d’une part, et sous l’influence du métier d’architecte et de certains de ses concepts clés, comme celui de « projet », d’autre part. Cette double dépendance explique pourquoi, à mon sens, la conduite d’opérations de transformation des territoires n’est toujours pas le cœur de notre métier. Le rôle de l’État dans l’aménagement du territoire est évidemment fondamental, ne serait-ce que parce qu’il est le maître d’ouvrage légitime d’une très large part des infrastructures et des équipements du pays, ou encore parce qu’il est le garant du respect des lois, des normes et des réglementations.
Mais nous devrions veiller à ce que ce rôle fondamental n’empêche pas l’émergence d’une véritable discipline scientifique et technique, de métiers et de débats professionnels qui parviennent à s’émanciper des doctrines élaborées par la haute fonction publique. Si l’urbanisme français veut progresser, des points de vue, mais également des acteurs économiques indépendants, doivent émerger en dehors de la sphère de cet « urbanisme de préfecture »…
Le rôle de l’administration devrait être de créer les conditions de cette émancipation et de cette structuration d’un ensemble de métiers pour que ceux-ci parviennent à proposer, aux habitants comme aux collectivités, de nouveaux services. Ces nouveaux services d’urbanisme vont, je pense, constituer l’une des clés pour organiser les grands changements que nos sociétés doivent mettre en place au XXIe siècle. Or, c’est tout le contraire que nous observons aujourd’hui en urbanisme. Chaque jour, nous nous engouffrons plus profondément dans la voie idéologique de la prescription ad nauseam, qui prend la forme d’un prêche quasi religieux, moralisateur, qui vit, d’une part, de mots-clés et de formules trop simples et, d’autre part, d’une quasi-inconscience des modèles économiques réels par lesquels les territoires évoluent et sont d’ores et déjà fabriqués au quotidien par des milliers d’acteurs, dont les habitants eux-mêmes.
Nous devons, à mon sens, acteurs publics et privés, nous retrouver non pas dans un consensus idéologique mou, pétris de bonnes intentions et très souvent condescendant à l’égard des habitants, mais dans un immense effort collectif de R&D qui permette à l’urbanisme de changer de braquet et de réaliser, enfin, ses objectifs.
Pourquoi les urbanistes ont-ils peiné à acquérir une légitimité dans cet exercice ?
Pendant les décennies d’étalement urbain que nous avons connues, les PLU [plans locaux d’urbanisme, ndlr] ont, d’une part, figé les tissus urbains existants, par simplicité, et, d’autre part, ouvert des zones à urbaniser dans lesquelles on pouvait appliquer le paradigme du projet urbain. Le paradigme du « je veux, je dessine ». Mais cette méthode ne marche plus à l’ère du renouvellement urbain. En un temps très court, les enjeux de l’urbanisme sont devenus de plus en plus complexes, jusqu’à nécessiter une très grande technicité, que ce soit pour intégrer l’ensemble des dimensions d’une opération de renouvellement urbain, ou pour écrire le cadre réglementaire qui doit la rendre possible et la guider, l’urbanisme d’aujourd’hui est par nature plus sophistiqué que celui d’hier. Les règles d’un PLU peuvent aujourd’hui être considérées comme l’équivalent du code d’un programme informatique : elles devraient concentrer aujourd’hui toute notre attention, et nos compétences les plus pointues.
Propos recueillis par Julien Meyrignac
© D. R.
Un commentaire
noumo
18 avril 2024 à 19h35
Cher Monsieur Bonjour,
Je suis parfaitement d’accord avec l’analyse que vous faites de l’urbanisme “d’hier et d’aujourd’hui”.
En effet, à mon humble avis, je rajouterai les faits suivants : l’abondance des Lois, des règlements, des ordonnances, des décrets et des réformes, sont à la source de tout ce qui rend la pratique de l’urbanisme difficile, complexe et lacunaire.
La pratique de l’urbanisme d’aujourd’hui, est toujours, précédée par des phénomènes, comme la croissance urbaine, la crise foncière et les projets de grands travaux que les pouvoirs publics n’arrivent suffisamment pas à prévenir ou à pallier. Pourquoi ?
Parce que le droit de l’urbanisme, n’est pas en d’autres thèmes, considéré parmi les priorités de l’état comme la priorité” clé, du développement, et de l’aménagement.
Néanmoins, d’accord également avec vous pour une simplification des systèmes procéduraux. Mais, il est est à noter que la question cruciale et sa solution se trouvent dans les décisions, des collectivités locales. Notamment les Communes. Car la municipalisation des “sols” est entre les mains de maires. Ex : la Loi SRU de 2000 et sa dernière modification n’a pas beaucoup incité certaines communes à réaliser les 20% ou 25% des logements sociaux. Quelques-unes ont préféré les amandes.
Je considère l’urbanisme, comme une grande discipline de Droit, pour laquelle, il est nécessaire de prendre en compte, toutes les considérations de faits et de droit afin de créer une jauge concordante avec ses cloisonnements
En résumé.
Seule l’avancée de la recherche dans les années à venir essayera de faire pratiquer un urbanisme sans détour
Cordialement
Et bien à Vous