Le meilleur bâtiment « zéro carbone » est celui qu’on ne construit pas

Le secteur du bâtiment représente 39 % de la consommation finale d’énergie et 27 % des émissions de CO2, il s’agit donc d’un enjeu central de la transformation écologique des territoires.

Depuis une ving­taine d’années, des moyens très impor­tants sont consa­crés en recherche, inno­va­tion et expé­ri­men­ta­tion pour des bâti­ments neufs plus ver­tueux au regard des enjeux envi­ron­ne­men­taux. Le smart buil­ding va décar­bo­ner le sec­teur du bâti­ment, grâce à ses cap­teurs et son intel­li­gence arti­fi­cielle (IA) qui fait tour­ner du big data.

Cette approche tech­no-solu­tion­niste, qu’on retrouve dans la plu­part des domaines de la ville durable, illustre une forme d’impasse de la tran­si­tion éco­lo­gique et éner­gé­tique de l’Occident aujourd’hui. Niant aveu­glé­ment la notion essen­tielle de « limites pla­né­taires » – qui rend caduc et délé­tère le fonc­tion­ne­ment actuel d’une éco­no­mie basée sur la crois­sance infi­nie –, le concept de « déve­lop­pe­ment durable » et les objec­tifs du même nom de l’Organisation des Nations unies (ONU) délivrent peu ou prou ce mes­sage à nos socié­tés du Nord éco­no­mique : dor­mez tran­quilles, ne chan­gez rien à vos visions et modes de vie, conti­nuez de consom­mer tou­jours davan­tage, c’est bon pour la crois­sance et l’économie, et ne vous inquié­tez pas pour l’environnement, les algo­rithmes de la smart city vont s’en occuper.

On retrouve sou­vent cette logique dans le domaine des bâti­ments, avec des injonc­tions per­ma­nentes à construire tou­jours plus  mais de manière verte et « intel­li­gente » –, arguant de l’urgence cli­ma­tique et éco­lo­gique et de l’urgence sociale, mais en omet­tant pour­tant un cer­tain nombre d’éléments fon­da­men­taux. En matière d’urgence éco­lo­gique, les bâti­ments neufs ne sont en rien un enjeu en Europe. Avec un renou­vel­le­ment urbain de moins de 1 % par an, et alors qu’il reste moins de dix ans pour agir, les bâti­ments neufs qui seront construits d’ici là sont anec­do­tiques dans l’équation cli­ma­tique ; 80 % des bâti­ments de notre pays de 2050 sont déjà construits, et pour la plu­part tota­le­ment inadap­tés aux évo­lu­tions en cours, quand on pense qu’il fau­dra endu­rer des cani­cules de 50 °C pou­vant durer plu­sieurs semaines… C’est bien d’abord et avant tout le « stock » de bâti exis­tant qui relève de l’urgence cli­ma­tique et de l’urgence sociale.

 

La France des pro­prié­taires ver­sus le par­cours rési­den­tiel

Faut-il construire des cen­taines de mil­liers de loge­ments, comme on l’entend depuis plu­sieurs décen­nies, ou loger des cen­taines de mil­liers de familles ? Car les deux fina­li­tés n’ont pas du tout le même bilan finan­cier et envi­ron­ne­men­tal. Le même « stock » évo­qué plus haut peut, en effet, lar­ge­ment loger toute la popu­la- tion fran­çaise, pour autant que l’on fasse évo­luer culture, visions, repré­sen­ta­tions… et droit de la pro­prié­té. D’après l’Insee, seule­ment 18 % des loge­ments exis­tants sont occu­pés « nor­ma­le­ment », quand deux tiers, soit 12 mil­lions, sont sous-occu­pés. C’est par­ti­cu­liè­re­ment le cas de grands loge­ments que gardent les familles quand les enfants sont par­tis. Il existe pour­tant de mul­tiples solu­tions visant, par exemple, à les com­par­ti­men­ter pour créer des stu­dios ou petits loge­ments auto­nomes, à l’intérieur des loge­ments exis­tants, per­met­tant à la fois de loger des per­sonnes et d’apporter un com­plé­ment de reve­nus aux propriétaires.

 

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