La smart city, économie ou débauche d’énergie ?

Faut-il compter sur la smart city pour réduire les consommations d’énergie ? Les technologies numériques permettent d’économiser 10 à 20 % d’énergie dans l’habitat. Mais le secteur numérique utilise aussi 10 % de l’électricité mondiale, sans compter l’énergie grise ni la raréfaction des matériaux qui le constituent. Pourquoi déployer des trésors d’ingénierie pour une efficacité aussi marginale ?

L’îlot Hikari « à énergie positive » à Lyon Confluence – un démonstrateur de la smart city comportant 12 800 m² de bureaux, commerces et logements haut de gamme – est, par exemple, alimenté par de l’huile de colza régionale pour la cogénération, du photovoltaïque en toiture et en façade, un réseau de froid qui puise dans la nappe phréatique et la Saône, une pile à combustible qui stocke l’électricité, une chaudière d’appoint au gaz… sans compter les capteurs, tablettes numériques et smartphones requis pour optimiser les consommations. Un équilibre entre production et consommation d’énergie est atteint, mais le bâti consomme 129 kWh/m2/an ! Un habitat mieux isolé aurait nécessité moins d’huile de colza, d’équipements et d’énergie grise. Tout se passe comme si ces 129 kWh permettaient de justifier l’utilité du numérique. Pour économiser de l’énergie par les technologies numériques, il faut en produire en excès.

Comment croire, dès lors, aux discours de la smart city lorsqu’ils se conjuguent à ceux de la ville durable ou bas-carbone ? L’environnement est pour la smart city une promesse non tenue, un registre de justification rhétorique, ou un cheval de Troie.

Le problème est que la révolution numérique ne capture pas seulement les imaginaires, mais les capitaux, les investissements publics et privés. Les gisements réels d’économie d’énergie, eux, ne trouvent pas d’investisseurs : les bâtiments sans chauffage, le déploiement des réseaux de transports doux et en commun à l’échelle des aires urbaines, la bioclimatisation des villes ou la production de matériaux biosourcés, par exemple.

 

Cyria Emelianoff, professeure d’aménagement et d’urbanisme, Le Mans Université, ESO UMR 65 CNRS

Photo : Le Grand Parc des Docks de Saint-Ouen © Xavier Testelin/Divergence

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